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~Des mots au fil de la plume~

~Des mots au fil de la plume~
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3 août 2007

Concept

Voici la dernière fic en date, fic très très spéciale à plusieurs niveaux. Déjà, c'est une fic totalement déjantée. Il n'y a rien du tout de sérieux là-dedans. Sûrement même qu'il y a plein de choses que vous ne comprendrez pas, que vous ne trouverez pas drôle, c'est normal, ce sont des 'private jokes' comme on dit. Veuillez donc me pardonner si parfois vous vous sentez perdus.
Surtout, ce qu'il faut préciser avec cette fic c'est que j'ai eu l'immense plaisir de l'écrire avec ma très chère Plume, ma talentueuse petite Aurore qui a eu l'idée du scénario, qui a écrit elle-même certains passages, et qui a eu le grand courage de se pencher avec moi sur la correction longue et difficile de cette fic. Je vous prie donc de ne pas oublier qu'elle a grandement contribué à la naissance de cet écrit, et de la remercier comme moi je le fais maintenant pour tout ce qu'elle a pu m'y apporter...
J'aurais bien fait une intro un peu plus longue mais la fic n'est pas courte... D'ailleurs, pour une fois, j'ai de ce fait publié cette fic en plusieurs parties.

Bonne lecture !

Juillet 2007 :

Concept

‘Et voilà, nous sommes arrivés !’

Ils venaient de s’arrêter dans une petite ville du fin fond des Etats-Unis. Ils avaient dû prendre un avion, patienter des heures avant de finalement trouver une voiture de location potable, traverser des kilomètres de champs déserts sous une chaleur étouffante… Elle n’avait pas dormi depuis deux jours, oui deux jours, et se sentait particulièrement agacée par le silence de son partenaire. Depuis leur départ, en effet, il n’avait pas dit un seul mot de l’enquête qui les attendait. Il n’en n’avait pas dit non plus un seul quand il était venu frappé à sa porte à trois heures du matin, lui demandant seulement de préparer immédiatement ses valises pour une affaire des plus importantes. Et elle avait eu beau protester, répéter au moins une dizaine de fois de suite qu'il était bien trop tôt, Monsieur s'était contenté d'insister, lui, sur le caractère urgentissime de l'affaire en question. Elle l’avait questionné tout au long du voyage mais il n’avait rien voulu lui dire. Elle avait tout tenté pourtant, pour le faire parler. Elle avait essayé de passer en revue toutes les étrangetés qu’elle connaissait,  toutes celles qui étaient susceptibles de les avoir conduit dans le trou perdu de… PurpleskyVille indiquait la pancarte, mais toutes ses propositions n’avaient reçu qu’un ‘Non’ comme réponse…Charmante conversation...

A cet instant précis, elle tentait toujours sa chance : elle lui demandait si les gens avaient des choux qui leur poussaient sur la tête, ou bien si les meubles s’étaient mis à marcher tout seul, ou encore si les maïs Bonduelle avaient soudain tous décidé de faire grève au fond de la boîte, si les chiens de la ville se prenaient pour des chats, si on avait aperçu l'oncle Tom sans sa case, si les poules apprenaient aux cochons à voler et si les cochons apprenaient aux poules comment avoir des dents… Toutes les idées les plus stupides qui pouvaient passer par la tête d’une Scully fatiguée et énervée jaillissaient à toute volée dans la voiture, feu d'artifice d'improbabilités plus ou moins vraisemblables, mais après tout, avec lui, on ne savait jamais… Si bien qu’on ne saurait dire qui de Mulder ou de Scully fut le plus soulagé d'atteindre enfin leur but.

‘Allez, Mulder, vas-tu enfin me dire ce qu’on fait là ?

-Attends encore quelque secondes, je te promets que tu vas savoir.’

Il sortit de la voiture, jetant sur la rue un regard inquisiteur. Si ses informations étaient justes, ils ne devraient pas attendre longtemps. Encore que vu la manière dont il avait eu ses informations, on ne pouvait pas trop savoir…le mail qu'il avait reçu était assez bizarre, mais suffisamment intriguant pour qu'il se décide à aller voir sur place. Sur un fond de cœurs rouges et de fleurs rose fluo, tout y avait été écrit d’une charmante couleur fushia. Apparemment, les phénomènes étranges qu’il exposait étaient aussi passés dans la manière dont son correspondant écrivait. Quelle folie pouvait donc forcer les gens à voir la vie en rose bonbon vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Cela était véritablement inhumain, il fallait venir en aide à ses gens !

Scully sortit à son tour de la voiture, soupirant, déçue de ne pas avoir eu de réponse. Elle claqua la porte, scruta à son tour la rue… Voyant que son partenaire semblait décidé à ne pas bouger, elle commença à réellement s’impatienter.   

‘Mulder, qu’est-ce qu’on fait ici ? Nous n’allons tout de même pas restés toute la journée plantés dans cette rue à attendre je ne sais quoi ?’

Embarrassé, un peu déçu aussi de ne pas voir ce qu’il attendait, Mulder garda quelques secondes le silence, cherchant lui-même une réponse à ses propres interrogations. Et puis soudain, au bout de la rue, il lui sembla voir passer ce qu’il cherchait. Sans dire un mot, il claqua la portière et parti en courant. 

‘Mulder, où vas-tu ? Mulder ? MULDER ??? Non mais c’est pas vrai ça, j’ai pas que ça à faire moi !’

Et, toujours soupirant, toujours râlant, notre chère Scully se mit à courir derrière son partenaire. Finalement il s’arrêta dans une rue voisine. Là, il attendit au milieu de la chaussée, souriant comme un enfant qui vient de retrouver son jouet préféré.

‘Mulder… Ouh ouh, Mulder, je suis toujours là si tu ne savais pas… Mulder…’

Elle avait beau l’appeler, passer la main devant ses yeux, danser ou faire la roue devant lui, il semblait ne pas la voir. C’en était presque vexant... Il était comme hypnotisé par les gens qu’il voyait dans cette rue… Mais que pouvaient-ils bien avoir de plus qu’elle, ces inconnus d’une ville pourrie ?

Franchement jalouse, il faut bien l'avouer, de cet intérêt, elle arrêta de faire la majorette autour de Mulder et s'intéressa à son tour aux gens qui les entouraient.

Et elle se rendit alors compte qu’ils étaient tous pour le moins… étranges. Paranormaux aurait été un grand mot, mais... disons qu’ils n’étaient pas normaux non plus.

Ils étaient tous habillés de la même manière, portant de grands t-shirts roses avec une image imprimée dessus dont elle ne vit pas tout de suite ce qu’elle représentait, t-shirts qu’ils se donnaient, s’échangeaient, tout en prononçant toujours cette même phrase ‘Tu es un amour’ à celui ou celle à qui ils donnaient cette… chose rose bonbon unisexe, informe, taille unique, qui ne suivait d'ailleurs pas du tout avec sa couleur de cheveux à elle…

‘N’est-ce pas formidable ?’

Elle se retourna… Apparemment, son partenaire venait de se rappeler de sa présence…

‘Qu’est-ce qui est censé être formidable ?

-Mais ça… Tous ces gens ! Je suis sûr que ça cache quelque chose. Parfois les gens qui ont été enlevés par les extra-terrestres ont leur comportement totalement modifié. Tu imagines, toute une ville enlevée ?!

-Mulder, il y a des quantités d’explications pour ce phénomène.

-Ah oui, et lesquelles ?

-Pourquoi pas une hallucination de groupe, une quelconque hypnotisation, un maître vaudou dans la région…

-Scully…

-… une intoxication alimentaire, un programme secret du gouvernement qui active les secteurs de l’affection, une autosuggestion générale, une hormone présente dans l’eau, un coup de pub marketing pour une marque de t-shirt ringarde… il y a des milliers de possibilités !

-… tu as vu ce qu’il y a sur leur t-shirt ?

-C’est important ?

-A toi de juger…’

Elle soupira (et oui, la pauvre, on vous l’a dit, elle est très fatiguée), et observa de plus près les signes des t-shirts roses accusés … Elle écarquilla les yeux, fronça les sourcils, retira ses lunettes de soleil, pencha la tête… et finalement elle réussit à voir ce dont il s’agissait mais, n’en croyant pas ses yeux, répéta son numéro quatre ou cinq fois de suite.

‘Mais, Mulder… mais, mais…c’est nous !

-Et une soucoupe volante ! répondit un Mulder un peu trop enthousiaste à son goût.

-Comment ces gens peuvent-ils nous connaître ?

-Les extra-terrestres !

-Mulder, tout cela est ridicule !

-Et pourquoi pas ? Nous avons déjà vu tellement de choses toi et moi, comment peux-tu encore être sceptique ?

-Parce qu’il n’y a aucune preuve de ce que tu avances ! Ces gens peuvent tout simplement… c’est peut-être une coutume locale, un genre d’halloween version peace and love, peut-être que c’est une communauté hippie qui vit ici et a mis en pratique des mœurs en accord avec leurs croyances. Peut-être aussi qu’ils manquent juste un peu d’affection et d’amour, d’où leur besoin de se faire des cadeaux, de se répéter sans cesse cette même phrase et…

-Scully… Tu es un amour’

Un éclair de colère exaspérée passa dans son regard. Lui la regardait en faisant les yeux doux, et il n’était pas possible de savoir s’il était en train de se moquer d’elle ou s’il profitait de la situation… En tout cas, elle n’avait pas envie de rire.

‘Mulder, je ne suis pas un amour. Un amour c’est un concept, et je ne suis pas un concept !’

Il fit une moue dépitée. C’est la vexation qui le poussa à répondre

‘Tant mieux, je n’aime pas les concepts.’

Elle le fusilla du regard. Il sentit qu’il était temps d’arrêter là les bêtises et de se plonger sérieusement dans cette enquête.

***

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3 août 2007

Concept, partie 2

            Il avait fini par convaincre Scully de s’intéresser à cette affaire et de la résoudre. Il y avait vraiment quelque chose de louche dans cette histoire, et si jamais ce n’était pas les extra-terrestres (ce dont il doutait fort), il était tout de même de leur devoir de découvrir ce qu'il y avait derrière tout ça. Ces gens avaient vraiment l’air mal, il fallait les aider. Si elle ne le faisait pas pour lui, si elle ne le faisait pas pour eux, qu’elle le fasse au moins pour elle : elle n’avait quand même pas parcouru la moitié du pays pour baisser les bras à peine arrivée.

Pour achever son argumentation, il la prit par le bras et l’emmena chez le glacier. Là, assis devant une magnifique montagne de crème glacée surmontée d’un lac de chocolat et d’une forêt de chantilly, sans oublier la cerise au sommet, ils pourraient réfléchir tranquillement à la manière de commencer leur enquête. Et tant pis pour le régime !

Le garçon qui prit leur commande portait lui aussi ce t-shirt ridicule et leur en proposa un, accompagné d’un ‘tu es un amour’ qu’ils commençaient à connaître. La serveuse qui leur apporta leur glace leur fit la même offre. Tout autour d’eux dans le petit restaurant les gens portaient ce même accoutrement et se faisaient les mêmes politesses. Même Scully commençait à trouver tout cela bizarre.

‘Tu as peut-être raison Mulder, il se passe des choses étranges ici.

-Je te l’avais bien dis !

-Mais pour l’instant, rien ne prouve que ce sont les extra-terrestres qui sont à l’origine de toute cette mise en scène.

-Ca viendra, j’en suis sûr, ne t’inquiète pas. Je suis persuadé qu’ils sont parmi nous.

-Encore faut-il le prouver….

-Oui, et pour cela, il faut des preuves. Et pour trouver des preuves, il faut enquêter.

-Bravo dis donc, tu m’épates, tu as trouvé cela tout seul ? Et par où ta magnifique logique te propose-t-elle de commencer ?

-Et bien, je pourrais en descendre un au hasard pour que tu puisses l’autopsier et découvrir ce qui ne va pas chez eux, mais ce serait contraire au protocole…

-Parce que tu te soucies du protocole maintenant ? Cette ville a vraiment un effet bizarre… Que comptes-tu faire alors si tu refuses de tuer des innocents pour une si bonne cause ?

-Il faut commencer par ce que nous avons. Qu’avons-nous ?

-Et bien…une ville dont tous les habitants sont devenus timbrés, se font des politesses, et portent tous le même t-shirt…

-Les t-shirts !

-Quoi les t-shirts, tu en veux un ? Ca t’irait bien au teint tu vas me dire…

-Mais non ! Ce qu’il faut savoir, c’est d’où ils viennent ! Celui qui les fabrique doit forcément être dans le coup.

-C’est une idée. Mais comment comptes-tu faire pour remonter à la source ? Tout le monde a un t-shirt et tout le monde en distribue !

-J’ai peut-être une idée…’

Il se leva et se dirigea jusqu’à la caisse, pendant que Scully en profitait pour se servir dans sa coupe à glace. Entre deux cuillerées, elle le vit s’adresser au caissier, lui sourire et… est-ce que la glace lui donnait des hallucinations ? Peut-être simplement était-ce elle la cause de toute cette histoire, cela serait logique, par ce temps tout le monde devait en manger. Instinctivement, elle lâcha sa cuillère alors que son partenaire enfilait un des t-shirts roses. Mon Dieu, ça y était, elle était la seule personne de la ville à avoir encore toute sa raison. Quel cauchemar !

Mulder discuta encore quelques minutes avant de revenir vers elle. Il se pencha, les bras grands ouverts. ‘Tu es un amour’ dit-il en la prenant dans ses bras. Elle se mit à hurler.

‘Mulder, c’est moi, Scully ! Mulder, s’il te plaît, dis moi que tu n’es pas devenu fou !!!’

Il la lâcha, se redressa, et fut pris d’un fou rire.

‘Je t’ai eu !!!

-Mulder ! Ce n’est pas drôle du tout ! Ne me refais jamais ça !

-Oui oui, d’accord, excuse-moi, c’était trop tentant…

-Ouais, c’est cela... Dis-moi au moins que tu n’as pas fait ça pour rien…

-Non, c’est bon, je sais d’où viennent ces t-shirts. Allez, viens, je t’y emmène.’

Il tourna les talons et se dirigea vers la sortie.

‘Euh, attends !

-Oui ?

-Tu ne finis pas ta glace ? Maintenant que je sais qu’elle n’est pas responsable de toute cette folie, ce serait dommage de la laisser…’

Etait-ce possible ? Scully qui retardait une enquête pour une glace ? Les choses devenaient de plus en plus étranges ici. Vivement qu’ils soient partis, il commençait à se sentir mal à l’aise. Elle aussi d’ailleurs sous le regard surpris de son partenaire. Elle haussa les épaules, rougit, et se leva à son tour. Ouf, il avait eu peur !

‘Où allons-nous ?

-A quelques mètres d’ici. Les t-shirts sont fabriqués par une petite boutique de la ville. Selon le glacier, il n’y a rien d’anormal dans les habitudes des gérants.

-Je te ferais remarquer que le glacier dis ‘tu es un amour’ à tout le monde et porte un t-shirt rose avec nos photos dessus, alors qui sait ce que ‘rien d’anormal’ veut dire pour lui…

-Moi aussi je porte ce t-shirt, ce n’est pas pour ça que je suis anormal… Je ne le trouve pas mal d’ailleurs ce t-shirt, qu’est-ce que tu en dis ? Scully ?’

Mais trop tard, sa partenaire l’avait abandonné. A deux mètres de la boutique elle avait finalement fait demi-tour et était retournée chez le glacier en courant. ‘C’est pas vrai se dit-il, mais qu’est-ce qui lui prend encore ?’ Quelques secondes plus tard, elle revint, les mains remplies de sa coupe de glace inachevée et d’une cuillère. Le long de sa joue, une traînée de crème témoignait de sa gourmandise.

‘Excuse-moi Mulder, c’était plus fort que moi. J’ai eu de la chance d’ailleurs, la serveuse allait la jeter !

-Mais enfin, Scully…

-Je suis désolée, ça doit être les hormones, j’ai des envies bizarres en ce moment, cette glace, là, c’était… Oui, d’accord, ce n’est pas bien, je sais, mais c’est bon, je vais bien, arrête de me regarder comme ça !

-Euh, tu as une tâche, là…

-Oh, mince !’

D’un doigt, elle s’essuya la joue, et suça la glace ainsi recueillie sous l’œil de plus en plus ébahi de son partenaire. Il secoua la tête et se dit que les bizarreries de Scully attendraient. Un mystère à la fois. Pour l’instant, il devait s’occuper des vendeurs de t-shirts.

Soudain, sa partenaire stoppa net. Soupirant, il se tourna vers elle :

"Scully qu'est-ce que tu fais enco…"

Il s'arrêta en plein milieu de sa phrase. Là, au coin de la rue, il avait cru apercevoir un morceau de T-shirt rose se cacher furtivement derrière une poubelle.

- Quoi ? J'essaye d'attraper la vanille au fond… répliqua Scully. Un problème ?

Cependant, derrière la poubelle, rien ne bougeait… Mulder fronça les sourcils…

- Non, rien…" peut-être était-il lui aussi victime de l'atmosphère étrange de la ville s'il se mettait à imaginer qu'on les suivait…

***

3 août 2007

Concept, partie 3

             Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent devant la boutique indiquée par le caissier. L’endroit lui-même leur parut tout de suite suspect. La devanture était entièrement rose, remplie de gros cœurs rouges et de t-shirts similaires à ceux disséminés dans la ville. Tout en haut, une pancarte indiquait que tous les objets vendus étaient ‘100% shipper’. Un sigle étrange, un triangle enfermé dans un cercle, servait à authentifier les objets.

‘Shipper ? Qu’est-ce que c’est à ton avis demanda Scully.

-Je parie pour une race d’extra-terrestre. Le garçon m’a dit effectivement que les propriétaires de la boutique étaient des shippers, mais je n’ai pas pu lui soutirer de détails précis à leur sujet. Ils ont dû faire un lavage de cerveau aux gens de la région pour se faire accepter parmi eux et en faire leurs esclaves.

-Et ben, je n’aimerais pas finir ma vie comme ces gens, totalement irresponsable de mes actes. Mulder, promets-moi que si un jour j’agis comme eux, tu me tueras plutôt que de me laisser faire…

-Heureusement que je ne t'ai jamais demandé une chose pareille, je serais déjà mort depuis longtemps... Allez, entrons.'

Il pénétra le premier dans la boutique, faisant tinter la clochette d'entrée. Il ne semblait y avoir personne. A sa suite, Scully put découvrir un intérieur exactement identique à la devanture. Cela devenait vraiment malsain de se voir partout dans cette ville… sur un fond un rose en plus.

'Il y a quelqu'un ? FBI, nous voudrions vous parler.

-Oui oui, attendez.' répondit une voix féminine.

A peine deux secondes plus tard, une tête brune surgit de derrière une masse de tissus d’un rose… rosâtre, souriante.

'Que puis-je...'

Elle ne finit pas sa phrase. A peine eut-elle vu nos deux agents qu'elle s'immobilisa, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés.

'On dirait qu'elle vient de voir un fantôme, murmura Scully. Tu devrais peut-être enlever ce t-shirt, tu lui fais peur...

-Mademoiselle, je suis l'Agent Spécial Mulder, et voici l'Agent Spécial Scully, du FBI. Nous aurions aimé vous poser quelques questions.

-Oh mon Dieu ! Ce n'est pas vrai, je rêve ! articula-t-elle d'une petite voix.

-S'il vous plaît, mademoiselle...'

La jeune femme s'était mise à trembler. Elle retira ses lunettes et les essuya trois fois de suite, sans cesser de fixer les deux agents, répétant encore et toujours des 'Mon Dieu', 'c'est pas vrai' et autres expressions d'incrédulité. Puis, soudain, elle se mit à crier.

'Les filles, venez ! Vite, vite, venez ! Vous n'allez pas en croire vos yeux !

-Qu'est-ce qu'il y a ? répondit-on quelque part.

-Venez, vite, ne posez pas de questions, venez voir !

-Euh, dîtes, est-ce que...' tenta Mulder.

Avant la fin de sa phrase, il fut interrompu par plusieurs personnes qui pénétrèrent dans la place. Et ce furent les mêmes actions, la même hébétude, les mêmes frottements d'yeux, pincements de joues et autres exclamations ahuries et incontrôlées qui frappèrent les nouvelles venues sitôt qu'elles firent un pas dans la pièce et croisèrent les regards atterrés de Mulder et Scully. Enfin, l’une d’elle sembla revenir de sa surprise.

'Mulder, Scully, c'est bien vous ?

-Oui, oui, nous venons de le dire à votre amie et...'

Un cri aigu l'interrompit de nouveau.

'Yahoooo ! Nous avons réussi ! Wouah !!!' et autres cris de joie se mêlèrent tout à coup en un affreux vacarme, tandis que les jeunes filles remises de leur stupeur se mettaient à sauter, à se prendre dans les bras, à frapper dans leurs mains. Il serait impossible de décrire ici toutes les attitudes étranges dont leur joie semblait la cause.

'Je te l'avais dit Scully, les extra-terrestres. Ces filles ont été droguées, cela se voit tout de suite.'

Elle finirent par prendre un semblant d'organisation, formant alors un cercle, et criant toutes ensemble un 'shipper powaaa!' qui acheva les tympans de nos amis, qui commençaient un peu à se sentir de trop dans cette cérémonie.

'J'y crois pas, ça a marché, disaient les jeunes files.

-Nous allons enfin pouvoir...

-Des années que l'on attendait ça !

-J'y crois pas, c'est le plus beau jour de ma vie.’

Nos deux agents, eux, commençaient réellement à perdre patience et à en avoir marre de supporter les cris hystériques de ces jeunes demoiselles qui, qui plus est, les ignoraient totalement, tant elles étaient prises dans leurs emportements… Mulder, par ailleurs, en était désormais plus que persuadé, tout ceci devait nécessairement faire parti d'un rituel extraterrestre énigmatique sorte de danse de la victoire version petits hommes verts, et les cris qu'elles poussaient devaient relever d'un langage inconnu jusqu'ici. Scully, elle, n'y comprenait plus rien et se contentait de regarder la scène avec étonnement. L'atmosphère devenait étouffante. N’y tenant plus, Mulder se mit à crier dans la pièce, couvrant de sa voix tous ces bruits de groupies hystériques.

'Hé, oh, dîtes, on se calme là ! Y'en a qui essaient de travailler ici ! Stop ! Stop ! C'est fini, on arrête tout ! Et la première que j’attrape en train de chuchoter papoter bavarder, ou quoi que ce soit, je la fous en prison avec un rapport de l’agent Mulder avant même qu’elle ne comprenne ce qui lui arrive!'

Il n'en fallut pas plus. Le ton impétueux de Mulder et la menace inquiétante qu'il venait de proférer le plus sérieusement possible calmèrent instantanément le groupe de filles. En une seconde, elle avaient arrêté tout bruit et s'étaient alignées au garde à vous face aux agents du FBI. Peu préparées à une telle réaction, ayant presque oublié la présence de ceux qui avaient déclenché une telle hystérie de leur part, elles furent comme tétanisées par ces nouveaux cris. Soulagés par le soudain silence qui s'installa, nos deux héros se regardèrent avec contentement.

'Et bien, murmura Scully, bravo ! Tu devrais venir crier un bon coup dans mon immeuble quand les enfants de ma voisine s'y mettent.

-Non, merci, c'est bon. Je crois que si j'entends encore quelqu'un crier je ne vais plus pouvoir me maîtriser.'  Puis aux filles : 'Bon, alors, est-ce que quelqu'un pourrait enfin me dire ce qui se passe ici ? Et je ne veux qu'une seule réponse à la fois.

-Oui, oui, excusez-nous. Nous allons tout vous expliquer.

-Ouf, enfin une parole sensée dans cette ville de dingues ! Je vous écoute. Mais tout d'abord, qui êtes-vous ?

-Des shippers.

-Non non, ce n'est pas une réponse ! Qu'est-ce que c'est que ça, un 'shipper' ?

-C'est...

-C'est une personne.

-C'est un fan.

-Non, pas un fan : un passionné. Fan, ça fait timbré.

-Mais nous sommes timbrés !

-Ah, oui, c'est vrai. Donc, c'est un fan.

-Fan de deux personnes.

-Deux personnes susceptibles de...

-Vous voyez quoi !

-Du genre... A aime B, B aime A...

-... mais les seuls à ne pas s'en rendre compte sont B et A.

-Ce qui est très fâcheux pour un shipper. Parce qu'un shipper, tout ce qu'il veut, c'est ouvrir les yeux à A et B.

-Malheureusement, ça ne marche pas à tous les coups. Alors le shipper parfois...

-Le shipper a des crises. Quand A et B sont trop têtus.

-Ca peut rendre le shipper dingue ! Il rentre alors en crise de 'shipperite aïgue'. Il pleure, il crie...

-Il saute de joie à chaque petit signe de guérison de A et B.

-Il voit et revoit encore et encore tous leurs moments d'affection.

-En imagine de nouveau.

-Et, comme c'est le cas ici, lance de vastes opérations destinées à combler le vide immense d'amour qu'il a en lui.

-Il lui faut répandre l'espoir d'un monde meilleur où tous les gens qui s'aiment se l'avouent et vivent leur passion au grand jour.

-Bon, c'est vrai, nous avons peut-être poussé le bouchon un peu trop loin.

-Mais c'était pour la bonne cause.

-C'était le seul moyen.

-Vous ne seriez jamais venus.

-Oh, cela n'a pas été facile de trouver tout ça.

-Vous n'imaginez pas le temps que cela nous a pris, les efforts que nous avons fait pour mettre tout cela en scène.

-Mais le résultat en vaut la chandelle.

-Oh, ça c'est sûr !

-D'ailleurs, même vous avez été conquis par notre t-shirt !

-Il n'est pas magnifique ?!'

Un peu désemparé par toutes les informations incompréhensibles qu'il venait de recevoir, Mulder regarda son t-shirt rose d'un oeil nouveau, plutôt embarrassé il faut le dire. Scully elle, leva les yeux au ciel, totalement découragée. Ce qu'elle avait entendu lui suffisait. Ces gens étaient simplement dingues. Ils appelleraient l'asile le plus proche et leur devoir serait fini ici. Elle ne voulait plus jamais remettre  les pieds dans cette ville !

'Mulder, tout cela est ridicule. Elles sont folles ! C'est tout, il n'y a rien de mystérieux dans cette histoire. Allez, viens, on s'en va, on n'a rien à faire là.'

Elle le prit par la manche et le tira vers la sortie. Cependant, leur route fut barrée avant même qu'elle ait pu atteindre la porte.

'Ah, non, vous ne passerez pas ! Pas tout de suite. Votre boulot ici n'est pas fini. On vous a appelé pour régler de graves problèmes, et nous ne vous laisserons pas partir avant d'avoir eu entière satisfaction !' 

***

3 août 2007

Concept, partie 4

           Il ne manquait plus que ça. Cette enquête était un désastre. Ils étaient dans une ville de fous, et maintenant ils se retrouvaient prisonniers au milieu de jeunes filles hystériques. Qui sait ce que le sort leur réservait encore ?

Scully était dans un coin de la pièce, exaspérée. Cette histoire commençait à réellement l'énerver. Le pire dans tout ceci était peut-être encore le sourire béat de son partenaire. 'Un enlèvement ! C'est bien dans la coutume des extra-terrestres ça, d'enlever les gens ! Et puis, tu as bien entendu ce qu'elles ont dit... Ce n'est pas possible, ce n'est pas humain tout ça, je suis sûr que...' Oui, oui, elle savait. Les extra-terrestres. Et puis quoi encore ? Elle allait se retrouver enceinte par l'action du Saint Esprit ?

Non contents de les avoir enlevés, il fallait aussi que ces 'shippers' se fassent indiscrets. Ils la questionnaient, la harcelaient avec une foule de questions sur sa vie privée. Ils ne pouvaient pas se mêler de leurs oignons et lui foutre la paix ?

Et pendant que Scully essayait de conserver secret un minimum de sa vie privée, Mulder discutait tranquillement avec l'une des filles. Et il ne semblait pas mal à l'aise du tout. Au contraire, il paraissait plutôt ravi de pouvoir en savoir un peu plus sur ces 'shippers'.

‘Alors, si j’ai bien compris… vous êtes… vous faites en quelque sorte une fixation sur certaines personnes ?

-Ouais, en gros on peut dire ça.

-Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi ?

-Ah, ça, pourquoi, on n’en sait trop rien.

-Et, là, en l’occurrence, c’est sur Scully et moi que votre attention s’est portée.

-C’est ça.

-Mais, pourquoi nous ?

-Ah là là, c’est pas possible, il faut toujours tout vous expliquer… C’est ça le problème de tous les shippers, c’est que vous ne comprenez jamais de quoi il s’agit.

-Et bien allez-y, j’ai l’esprit très ouvert vous savez…

-Non non, ça ne sert à rien. Vous nous direz que c’est pas vrai. Jamais vous n’avouerez.

-Ca dépend… Si vous voulez parler de la sucette de la voisine qui a disparu quand j’avais cinq ans, je vous préviens, vous faites erreur, c’est pas moi !

-Non non, cette histoire est intéressante mais ce n’est pas le sujet…

-Allez, juste pour moi !

-Non.

-Je vous préviens, j’ai les moyens de vous faire parler !

-Je vous ferais remarquer que pour l’instant c’est vous qui êtes prisonnier, vous n’avez aucun moyen de pression.

-Je peux toujours vous promettre… Qu’est-ce qui vous ferez plaisir ?

-Euh… attendez, que je réfléchisse… Ah, je sais ! Je veux votre affiche !

-Mon affiche ?

-Oui, le ‘I want to believe’ placardée derrière vous dans votre bureau !

-Vous êtes folle ?! Je ne peux pas accepter ! J’ai dû tuer quelqu’un pour avoir celle-là !

-Et bien tant pis…

-Oh, allez, s’il vous plaît !’

Et là, il sortit son arme secrète : un regard de chien battu à faire fondre les glaces de l’Arctique. Fascinée par ce regard et, il faut le dire, totalement sous le charme de celui qui avait été élu Agent le plus sexy de l’année, la jeune fille ne résista pas longtemps.

‘D’accord, je peux bien faire un petit effort, mais c’est bien parce que c’est vous !

-Chouette ! Allez-y, je vous écoute !

-Et bien… Que pensez-vous de Scully ?

-Scully ? C’est une fille bien. Un peu bornée parfois mais je l’aime bien, avec sa masse de défauts.

-Elle est plus qu’une collègue pour vous.

-Bien sûr ! C’est une amie. Ma meilleure amie.

-Et jamais il ne vous est venu à l’esprit qu’elle pourrait être plus que ça ?

-Vous voulez rire ? Elle est beaucoup trop maniaque, met du pollen dans ses yaourts, et… elle ne croit même pas aux extra-terrestres !

-Mais ça n’a rien à voir… Vous l’aimez quand même.

-Non.

-Même pas une quelconque attirance ?

-Jamais de la vie. Je vous l’ai dit, c’est une amie !

-Et voilà, c’est toujours pareil ! Vous dîtes tous la même chose. Vous êtes tous aussi têtus ! Simple question, parce qu’il faut que je comprenne moi, pourquoi si vous n’êtes pas attiré par elle vous vous amusez parfois à la dessiner de manière… vous voyez de quoi je parle…

-Ah, ça… euh… Ca n’a rien à voir c’est… Mais… comment vous savez tout ça ? Vous avez fouillé mon bureau ?!

-Non non, bien sûr que non ! Mais, vous savez, nous suivons votre carrière depuis le début. Nous savons beaucoup de choses sur vous. Nous sommes des fans quoi ! Et, il faut que je vous l’avoue, les shippers sont mêmes des fans très spéciaux. A vrai dire, nous avons parfois l’impression d’être des êtres à part, un peu comme si nous venions d’une autre planète…’

A qui le disait-elle ! Il savait bien que les extra-terrestres étaient derrière cette histoire, maintenant il en avait la preuve ! Cette jeune fille venait de lui avouer ! Il fallait absolument qu’il le dise à Scully…

Que faisait-elle d’ailleurs Scully ? Il tourna la tête, et aperçut sa partenaire qui discutait avec un shipper… Il ne s’en était pas rendu compte mais pendant qu’il parlait d’autres personnes étaient rentrées dans la boutique, et l’un des nouveaux venus avait l’air de sérieusement mettre en rogne sa chère amie. Oh, mais il le reconnaissait celui-là ! C’était celui qu’il avait surpris en train de les suivre tout à l’heure ! Il se fraya alors un passage entre les shippers qui envahissaient de plus en plus la pièce afin d’entendre ce qu’il pouvait bien être en train de dire à sa chère amie…

‘Dîtes, Scully, entre nous, l’Agent Mulder et vous…

-Nous travaillons ensemble.

-Oui, bien sûr… Vous devez vous ennuyez ferme quand même dans votre sous-sol.

-Nous voyageons beaucoup.

-Il paraît. Vous passez donc beaucoup de temps ensemble…

-Dans le cadre strictement professionnel, bien entendu, plus de trente-cinq heures par semaine.

-Ca doit créer des liens, à force.

-Peut-être.

-Etre seule, tout le temps, avec un partenaire du sexe opposé…

-Qu’est-ce que vous insinuez là ?

-Rien, rien, je constate.

-Il ne s’est jamais rien passé entre Mulder et moi !

-Rien du tout ?

-Rien du tout.

-Vous mentez mal Agent Scully.

-Et vous, vous exposez des théories totalement infondées.

-Non, pas totalement. Je me suis renseigné. Les rumeurs vont vite au FBI.

-Des rumeurs ?

-Oh, pas grand-chose. Des bruits étranges qui proviennent de votre sous-sol. Des ascenseurs qui se bloquent…

-Vous êtes complètement malade !

-Ne dîtes pas ça. J’ai des preuves…’

Un instant, une lueur de crainte passa dans les yeux de Scully, et son visage devint légèrement plus pâle. Comment pouvait-il bien avoir des preuves ? C’était totalement impossible. Tout ce qui aurait pu être découvert, ce n’était que les marques d’affection purement amicales qu’ils s’échangeaient parfois et qui n’étaient secrètes pour personne. Mais qui sait ce que de tels fous auraient pu chercher…

Voyant que Scully hésitait à répondre, le visage de son interlocuteur s’illumina d’un sourire victorieux.

‘Je le savais ! Je le savais ! Jamais vous n’auriez fait cette tête si vous n’aviez rien à cacher.’ Puis, se tournant vers les autres shippers : ‘Vous avez vu ? Nous avions raison ! Il faut ré-éplucher tout ce que nous avons. Nous avons dû passer à côté de quelque chose. Il doit y avoir une preuve quelque part !’

A cette annonce, Scully ne fut plus seulement embarrassée, mais à la limite de la panique. Qui sait ce qu’ils allaient pouvoir trouver ? Ce n’était pas possible, elle était en train de faire un cauchemar, elle allait se réveiller et tout ceci serait fini. Discrètement elle se pinça pour être sûre qu’elle ne dormait pas. Malheureusement non, la douleur était bien présente, tout comme ces gens autour d’elle, et même Mulder qui la regardait, tout aussi embarrassé qu’elle. N’avait-il donc pas une idée pour les sortir de là ? Non, apparemment, il était occupé à se gratter le crâne comme toutes les fois où il se trouvait dans une impasse. Et bien, c’était donc encore à elle de prendre une décision. Elle choisit la plus raisonnable des possibilités : accepter la défaite, signer l’armistice et négocier la paix.

‘Bon, d’accord, j’abandonne, pouce ! J’en ai marre, vous avez gagné ! Qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse pour que vous arrêtiez de me poser toutes ses questions et redeveniez des gens normaux ?

-Oh, c’est facile, juste un peu de shipperisme…

-Du shipperisme ?

-Oui ! Oh, pas grand-chose, trois fois rien.

-J’ai peur de ce que vous appelez ‘trois fois rien’.

-Et bien…’ firent-ils, se regardant avec malice. Puis, l’un d’entre eux vit – tout comme Scully d’ailleurs, de moins en moins rassurée – le regard de Mulder briller de cette petite lueur frénétique qu’il prenait quand il avait résolu une affaire. Il avait compris… ‘Mulder, vous ne voudriez pas lui expliquer ? Elle vous connaît, elle vous fait confiance. Vous pourriez peut-être la persuader ?

-Je peux toujours essayer.

-Mulder, à quoi tu joues ?

-Rien, rien, j’essaie juste de dénouer la situation. Je sais ce qu’ils veulent.

-Ah oui, et quoi donc ?

-Et bien…’Il chercha quelques secondes les mots qui pourraient lui faire comprendre. ‘Dis-moi, Scully, tu voudrais pas être un peu concept juste une minute ?

-Concept ?’

Mais de quoi parlait-il ? Comment pourrait-elle être un concept ? Un concept de quoi en plus ? Etait-il fou ?

Et puis soudain, elle se souvint (tout à fait, sinon c’est une erreur de temps). Toute à l’heure, à leur arrivée, quand il lui avait dit qu’elle était un amour… ‘L’amour est un concept’, n’était-ce pas ce qu’elle lui avait répondu ? Et maintenant, il voulait… Il plaisantait ? Apparemment non. La manière dont il la regardait, dont il s’était avancé vers elle – il en était presque trop sérieux.

‘Mulder, tu es fou ! Jamais !

-Et pourquoi pas ? Juste quelques secondes !

-Non, c’est impossible !

-Scully, laisse ton égo de côté un instant. C’est seulement pour qu’ils soient contents et nous laissent tranquille.

-Justement. Ils demandent ça maintenant, mais qui sait ce que cela sera après ? Ces gens-là, plus tu leur en donnes, plus ils en veulent.

-Scully, s’il te plaît…

-Non, il est hors de question. Scientifiquement parlant, c’est hors de question.

-Je suis désolé, dit-il aux shippers. Vous l’avez entendue. Qu’est-ce que je peux faire contre ça ? Je ne peux pas lui demander de me donner plus que ce qu’elle veut bien m’offrir.’

Mais les shippers n’étaient pas de cet avis. Que Scully le veuille au non, ils auraient ce qu’ils voulaient. Et ils l’auraient maintenant. Il n’était alors plus question d’être discrets, de faire des sous-entendus. Ils avaient bien trop attendu comme ça. Il était temps d’employer les grands moyens.

‘Le bisou, le bisou !!! se mirent-ils tous à crier.

-Embrasse-la !

-Allez, vas-y !

-C’est pas possible, reste pas planter là comme un idiot ! Embrasse-la banane !

-Hey, mais c’est un fruit ça la banane ! répondit Mulder, vexé. Est-ce que je ressemble à un fruit ?

-Oh, toi, ce n’est pas la peine de prendre la mouche, rétorqua Scully, qui trouvait plutôt marrante l’idée de s’imaginer Mulder déguisé en banane.... Tu crois que j’ai l’air d’un concept moi ?

-Ben…            

-Dis, à ton avis, tu es plus proche de la banane ou du concept toi ?

-Oh, euh… et ben… Un peu des deux je pense…’

Et ils se mirent tous les deux à rire de cette réponse stupide. Pliée en deux par cette soudaine hilarité, Scully se tint à l’épaule de son partenaire, essayant de garder un minimum de décence devant ces gens.

Les shippers, eux, s’étaient tous tus. Ils le sentaient, la fin de leur attente était proche.

Quelque chose en effet chez les deux agents semblait s’être produit. Tous deux calmés, ils prenaient conscience du contact physique qui s’était établi entre eux, cette main posée par inadvertance. Ils étaient si proches, à l’étroit parmi ces gens…

Sachant qu’il n’aurait pas d’autres occasions, Mulder tenta le tout pour le tout : son plus beau regard, celui du pauvre petit chien battu qui supplie son maître pour un peu d’affection.

‘S’il te plaît, juste un petit bisou, pour les calmer…’

Amadouée par cette tentative, détendue après leur fou rire, Scully sourit. ‘Un baiser, mais à tout prendre qu’est-ce ?’

Alors, presque imperceptiblement, ils commencèrent à se rapprocher. Autour d’eux, plus rien ne bougeait. Les shippers avaient arrêté de respirer, les mouches de voler, même la pendule avait cessé son habituel tic-tac, la terre ne tournait plus, l’univers entier s’était immobilisé. Seuls Mulder et Scully continuaient de se rapprocher.

Leurs lèvres allaient se toucher. Le silence était complet.

Il y eut une lumière. Un éclair aveuglant remplit toute la pièce.

***

3 août 2007

Concept, partie 5

‘Tu n’es vraiment pas un concept Mulder.’ murmura Scully.

Elle s’était arrêtée à quelques millimètres de son partenaire, souriante. Elle les avait bien eus ! Quoique ces shippers puissent faire, quoique que Mulder puisse dire, elle refuserait de l’embrasser.

Elle se redressa et fit un pas en arrière afin de contempler la tête de Mulder. Mais ce qu’elle vit n’avait rien à voir avec ce qu’elle attendait.

‘Mais, qu’est-ce que c’est ?’

Ils n’étaient plus dans la boutique. Il n’y avait plus de shippers. Au lieu de cela, ils se trouvaient dans ce qui devait être un hangar, entourés d’inconnus au moins aussi nombreux que les fous qu’ils venaient de quitter. Eux aussi portaient d’étranges t-shirts, noirs ceux-là, sur lesquels était inscrit ‘noromos’. Au centre de ceux-ci, un logo vantait les mérites des abeilles.Tout cela ne la rassurait pas le moindre du monde.

Un homme parmi eux prit la parole.

‘Nous vous avons téléportés. Il était temps ! Ces shippers de malheur étaient sur le point de gagner, il était hors de question de les laisser faire !

-C’est quoi encore que cette histoire ? Et qui êtes-vous d’abord ?

-Des noromos. Les ennemis des shippers. Leur exact opposé en réalité et…

-Scully, c’est magnifique, j’avais raison ! s’exclama Mulder.

-Qu’est-ce qui est magnifique, je peux te le demander ? Nous avons rencontrés une bande de dingues, ils nous ont kidnappés, puis téléportés, et maintenant nous sommes au prise de gens qui ne semblent pas avoir plus de raison, alors, franchement, où peux-tu bien trouver quelque chose de magnifique dans tout cela ?

-Nous avons été téléportés !

-Je viens de le dire ! En quoi est-ce rassurant ?

-Mais tu ne comprends pas ! Cela veut dire qu’il y a bien des extra-terrestres dans cette ville !

-Cela ne prouve rien. Si ça tombe nous sommes simplement victimes d’hallucinations. Cela expliquerait toutes ses folies !

-Des hallucinations causées par quoi ? Il n’y a pas l’ombre d’un champignon ou d’une usine susceptible de rejeter des gaz hallucinogènes dans cette région !

-Nous avons peut-être été drogués.

-Par quoi ?

-La glace par exemple !

-La glace ? Tu es ridicule ! Les shippers, les t-shirts et tout le reste étaient là bien avant que l’on ne touche à la moindre cuillère de glace !

-Alors, je ne sais pas, dans l’avion… Peut-être même que j’hallucine depuis que tu es venu frapper chez moi hier matin. Ca doit être ça... Jamais je n’aurais été assez bête pour te suivre ainsi en pleine nuit.

-Pourquoi tu ne veux jamais prendre en compte mon opinion ?

-Parce qu’elle est ridicule !

-Tu passes ton temps à me contredire !

-Tu veux toujours avoir raison !

-Tu n’es qu’une maniaque excentrique, orgueilleuse et obsessionnelle !

-Tu t’es regardé ! Dans le genre psychopathe paranoïaque égocentrique et fanatique, je n’ai jamais vu pire !

-Je ne te permets pas de me juger ainsi !

-Tu rigoles, je vais me gêner ! J’en ai plus qu’assez de supporter tes enquêtes stupides !

-Et moi, j’en ai marre de te voir dans mes pattes en train de démolir mon travail !

-Moi, je détruis ton travail ?

-Oui !

-Tu as détruit ma carrière !

-Laisse-moi rire ! Tu avais dû faire une sacrée bourde pour te retrouver avec moi ! Ta carrière, tu l’as détruite toute seule ma vieille, et bien avant moi !

-Ah oui ?

-Tu serais incapable de faire autre chose. Jamais on ne voudra te reprendre au FBI en dehors de mon service !

-Et bien, puisque c’est comme ça, je me casse ! Tu verras bien quand je serais devenue directeur dans quelques années, je te pourrirai tellement la vie que tu en regretteras Kersh !

-Si tu arrives à te faire embaucher ailleurs que pour récurer les chiottes ! En attendant, vas-y, ça me fera des vacances !’

Scully était folle de rage. Jamais il n’avait osé lui parler ainsi ! Cette fois, il dépassait vraiment les bornes. Et elle ne se laisserait pas marcher sur les pieds. Comment avait-elle pu travailler aussi longtemps avec lui ? Comment avait-elle pu être son amie ? Comment avait-elle… et dire qu’il y a quelques secondes, elle l’aurait presque embrassé ! Il fallait vraiment qu’elle soit folle pour s’être imaginée ne serait-ce qu’un instant que cela aurait pu être possible.

Mulder fulminait tout autant. Il se rendait compte à quel point elle le méprisait en réalité, comment elle s’était moquée de lui pendant tout ce temps. Et dire qu’il lui avait fait confiance. ‘Sa meilleure amie’, tu parles ! Comment son amie aurait pu lui dire des choses pareilles ? Comment son amie aurait pu l’abandonner ainsi, pour de telles bêtises ?

Devant leur colère, les noromos qui les entouraient trépignaient de joie. Celui qui devait être leur chef interrompit même leur si belle dispute d’un rire sadique et caverneux.

‘Mouah ah ah ah ah !!! C’est nous qui allons gagner. Jamais vous ne vous embrasserez, on ne veut pas, et on fera tout ce qui est en notre pouvoir pour l’en empêcher ! Regardez-vous, nous n’avons rien eu à faire, notre présence seule suffit à détruire tous les espoirs des shippers. Ah ah ah, ça non, jamais vous ne vous embrasserez !

-Ca tombe bien, je n’en avais aucune envie ! répondit Scully.

-Scully…’

Après les paroles du noromos, Mulder avait tout compris. Ces gens essayaient de les séparer. C’est eux qui semaient la zizanie entre lui et Scully ! Il ne fallait pas les laisser faire. Les shippers n’avaient peut-être pas totalement raison, mais ils n’avaient pas entièrement tort non plus. Scully n’était pas qu’une simple partenaire. Elle ne l’avait jamais été. Et il était hors de question de laisser une bande d’extra-terrestres dingues les séparer !

‘Scully, s’il te plaît…

-Toi, tu ne m’adresses plus la parole !

-Pourquoi est-ce que tu t’obstines ? Après tout, qu’est-ce que c’est, un baiser, ça n’engage à rien !

-Ne parle plus jamais de la possibilité de m’embrasser ! Et n’essaie même pas de faire un pas vers moi.

-Pourquoi pas ? Après tout, ce ne serait pas la première fois…

-Tu délires ?

-Bien sûr que non !

-Jamais de ma vie je ne t’ai embrassé ! Même pas en rêve !

-Mais si, rappelle-toi… Par exemple, euh… quand on a appris que tu avais un cancer !

-La scène a été coupée au montage.

-Et alors, elle a quand même eu lieu !

-Non, c’est de la triche, on a recommencé la scène et tu t’es contenté de m’embrasser sur le front, tout a été effacé, tu n’as pas le droit de t’en servir !

-Bien, euh… et le jour où tu as voulu démissionner ! Juste après la fermeture des affaires non-classées, dans le couloir de mon appartement !

-C’est pareil ! Cet argument est irrecevable, dans la version finale je me fais piquer par une abeille avant qu’il ne se passe quoique ce soit.

-Et les divers types qui avaient pris mon apparence !

-Non seulement aucun d’eux ne m’a jamais embrassée, mais en plus ils n’étaient pas toi, donc même si cela était arrivé, cela ne compterait pas !

-C’est pas possible, tu es têtue comme une mule !

-Et tes preuves sont totalement bidon.

-Oh, je sais, je sais quand je t’ai embrassée !

-Vraiment ? (sentez-vous tout le scepticisme dans la voix de Scully ?)

-En 1940.

-1940 ? J’ai l’air d’avoir  quatre-vingt piges ?

-Non, non, c’était ton double. La toi de 1940 !

-Alors ce n’était pas moi.

-Non… non, si ! Si bien sûr, mais…

-Tu es ridicule, cette fille était peut-être ma grand-mère, ou un clone, un double, j’en sais rien, mais ce n’était pas moi. Jamais tu entends, jamais tu ne m’as embrassée ! JA-MAIS !’

Il y eut un long silence, pendant lequel les noromos jubilèrent, alors que Mulder, à court d’arguments, se creusait la tête à la recherche d’un moment contre lequel elle ne pourrait rien, une preuve irréfutable. Il devait bien y en avoir une quelque part, qu’il avait oubliée…

Soudain il se frappa la tête. Mais oui, bien sûr ! Comment avait-il pu ne pas y penser ?

‘Je sais, je sais, j’ai trouvé !

-Quoi ?

-Nouvel an.

-Nouvel an ?

-Oui. Le réveillon du nouvel an. Pour l’année 2000. Après que nous ayons sauvé le monde d’une invasion de morts-vivants.

-Ce réveillon ! Ce baiser ?

-Oui, celui-là.

-Mais, enfin… c’était la fête… il était tard… tout le monde le faisait…

-Ce n’était pas seulement cela.

-…

-Scully, tu le sais aussi bien que moi. Ce n’était pas un hasard. Ce n’était pas seulement pour faire comme tout le monde. Il y avait une autre raison.

-Mulder, je…

-Ah, non ! Non, non, et non ! C’est pas juste ! s’écria le chef noromos. Ce n’était pas prévu comme ça. Vous ne deviez pas réussir ! Vous ne deviez pas tomber d’accord ! Vous devez vous haïr, vous détester, peu importe le mot, il est hors de question de vous réconcilier !’

Il ne put pas continuer plus loin la liste des interdits qu’ils étaient censés suivre. Un bruit éclatant déchira l’atmosphère.

Au bout du hangar, la porte avait, semblait-il, littéralement explosé. Et, à travers la fumée, un flot de t-shirts roses pénétra par la brèche.

***

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3 août 2007

Concept, partie 6

            Les deux groupes de fans se retrouvèrent face à face, se lançant des regards remplis de véritable haine, telles deux armées se dévisageant avant le combat. La tension était à son comble.

‘Qu’est-ce que vous faites là ? commença le chef noromos. Vous êtes chez nous, vous n’avez pas le droit de venir ici !

-Et vous n’aviez pas le droit de venir nous les prendre répliqua celle qui dirigeait les shippers, montrant du doigt Mulder et Scully qui, après cette entrée fracassante, se tenaient immobiles et silencieux, ayant même oublié leur dispute et leur possible baiser.

-Ils ne sont pas à vous, nous avions tous les droits !

-Vous avez osé violer notre repaire !

-Vous aussi !

-Parce que vous aviez commencé ! Votre attitude est totalement déloyale !

-Euh, dites, est-ce que…’ tenta Mulder.

Mais personne ne l’écouta. Ils étaient tous bien trop occupés à se chamailler. Il soupira – voilà que cela recommençait. Une fois de plus, lui et Scully se retrouvaient au milieu de gens qui ne parlaient que d’eux mais qui ne voulaient pas prêter la moindre attention à ce qu’ils pouvaient penser. Est-ce qu’ils auraient un jour leur mot à dire dans toute cette histoire ?

‘Tu vois bien que cela ne sert à rien lui dit Scully, glaciale.

-Je commence à en avoir marre de cette enquête.

-A qui le dis-tu…

-Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

-Je n’en sais rien, à toi de me le dire. C’est toi qui nous a mis dans cette galère, c’est à toi de nous en sortir maintenant.

-On pourrait peut-être…’

Il fut de nouveau interrompu. Un cri menaçant avait été poussé au centre de la pièce par les chefs des deux bandes rivales. Aussitôt, tous les fans de la pièce se mirent à crier et à courir.

Un flot de t-shirt roses fonça en direction d’un flot de t-shirts noirs, et inversement.

Ce fut le début du combat.

A vrai dire, ce fut plus la pagaille qu’une réelle bataille dans les règles de l’art. Les fans se jetèrent les uns sur les autres et se mirent à frapper leurs ennemis à coup de t-shirt de leur groupe. De chaque côté du hangar, chaque clan vidait ses caisses de t-shirts et distribuait les munitions à ses sympathisants.

Mulder et Scully, entraînés par la vague des noromos, furent séparés et plongés bien malgré eux dans la bagarre. Alors, pour éviter de se faire eux-mêmes frappés, ils prirent chacun un t-shirt et se mirent à taper dans le tas. Scully attrapa un t-shirt noir et se mit à se défouler sur tous les shippers qui croisaient son chemin. Ca leur apprendrait à vouloir la forcer à embrasser n’importe qui ! Mulder lui avait trouvé un t-shirt rose et passait sa colère sur les noromos. Ils avaient tenté de le séparer de Scully ?! Jamais il ne laisserait faire cela sans réagir.

Ainsi, tout le monde se retrouva réduit au même sort : frapper l’adversaire sans réfléchir. Mais, au milieu de tout ce désordre, Mulder tentait avec difficulté de penser à une solution pour sortir d’ici et, si possible, arrêter cette folie.

Il jeta un regard vers la sortie –elle était encore loin, et la route était parsemée barrée par ? des dizaines de fans furieux et armés de t-shirts. Voyons, ça ne devrait pas être si compliqué que cela, il en avait vu d’autres, s’était déjà sorti de situations bien plus désespérées. Qu’est-ce que c’était alors, quelques dingues en colère armés de t-shirts ? Trois fois rien !

Et puis, là-bas, il vit soudain une chose étrange. Près de la sortie. Là, regardez, cette forme qui se faufile dehors ! Cette couleur gris-vert. Ces yeux globuleux. Ces longs doigts. Mais oui, c’était bien ça ! Un extra-terrestre ! Il le savait ! Ils étaient parmi eux ! Il ne fallait pas le laisser s’échapper, c’était sa plus belle preuve !

Alors il arrêta de frapper les noromos et commença à se faufiler au milieu de la foule, donnant un coup de t-shirt à droite, à gauche, shipper et noromos indifférenciés, pour se faciliter le passage. Il fallait qu’il fasse vite, déjà l’extra-terrestre atteignait la porte –ou du moins ce qu’il en restait. Il devait le rattraper. Sinon tout le monde continuerait à le prendre pour un fou et Scully…

Scully !

Il s’arrêta net de marcher et la chercha au milieu des fans enragés. Où était-elle donc ? Pendant de longues secondes il ne la vit pas, et commença à s’inquiéter. Qui sait ce qu'il avait pu lui arriver au milieu de cette bande de dingues ! Mais non, ouf, elle était là-bas !

Peut-être avait-il parlé trop vite. Elle paraissait se débattre. On était en train de s’en prendre à elle ! Elle criait, faisait de grands gestes, essayait de frapper ses adversaires avec son t-shirt noir, apparemment sans succès. Que lui faisaient-ils ?

‘SCULLY !!!’ cria Mulder, essayant de se faire entendre au milieu de la cacophonie causée par la bataille.

Il abandonna complètement son extra-terrestre – qui de toute façon était déjà trop loin – il fit demi-tour et joua des coudes pour atteindre Scully. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard ! Jamais il ne se le pardonnerait s’il lui arrivait quelque chose. Tout était de sa faute. C’est lui qui l’avait traînée ici. Il aurait dû l’écouter depuis le début et ne jamais venir ici.

Enfin, après avoir encore donné quelques coups par-ci, par-là, il arriva presque à la hauteur de sa partenaire. Là, il la vit entourée de shippers qui avaient le plus grand mal à l’immobiliser et à lui passer un de leur t-shirts. Scully continuait à se débattre frénétiquement, et opposait une résistance tenace à ses agresseurs obstinés. Ils paraissaient déterminés à lui mettre ce t-shirt et semblaient prêts à tout pour y arriver.

Mulder se remit à crier.

‘Scully !!

-Mulder ! Au secours !

-Tiens bon, j’arrive !’

Les shippers, alertés par les cris, hâtèrent leur besogne. Enfin, après de multiples efforts et de nombreuses tentatives, ils finirent pas faire enfiler à Scully leur emblème. Satisfaits du résultat, craignant par-dessus tout l’arrivée de Mulder, ils lâchèrent leur prisonnière et s’enfuirent en courant.

N’ayant soudain plus personne pour la retenir, ayant totalement perdu l’équilibre, Scully se sentit alors tomber, sans rien pouvoir faire contre cela. Elle ferma les yeux, craignant le contact rude avec le sol du hangar.

Mais elle ne sentit pas le béton. A la place, elle atterrit sur quelque chose de mou, quelque chose qui laissa échapper un ‘ouch’ étouffé.

Elle ouvrit les yeux. A moins de trois centimètres de son visage se trouvait celui de Mulder, encore grimaçant.

‘Mulder…

-Scully, ça va, tu n’as rien ?

-Non, non, grâce à toi je…

-Ces shippers, ils ne t’ont rien fait ?

-Je ne crois pas. Tout va bien.

-Scully, j’ai eu si peur…

-Moi aussi.

-Si jamais il t’arrivait quelque chose…

-Je sais, je sais je… Moi aussi tu sais…

-Je suis désolé. Tu avais raison. Jamais je n’aurais dû te mêler à cette histoire.

-Non, non, ne dis pas ça. C’est moi qui avais tort.

-Je regrette ce que j’ai dit. Tu ne détruis pas mon travail. Au contraire, sans toi, il ne vaudrait plus rien.

-Et moi, je n’ai jamais pensé à t’abandonner. Ce travail, grâce à toi, c’est devenu ma vie. Jamais plus je ne pourrais partir.

-Et je ne pourrais pas supporté de te voir partir…

-Mulder…

-Quant à cette histoire de baiser… Laisse tomber. C’est puéril. Tu n’as pas envie, ce n’est pas grave. Je comprends. Je ne peux pas te forcer à faire ce dont tu n’as pas envie. Et... si j’insiste tellement… Ca ne fait rien. Je préfère que tu restes une amie. Ca me suffit déjà amplement.

-Mulder je… Je crois que…’

Ce dont ils ne s’étaient pas rendus compte, c’est que les cris des combattants tout autour d’eux s’étaient modifiés. En les voyant par terre, l’un sur l’autre, tous leurs fans, shippers ou noromos, s’étaient immobilisés. C’était maintenant que tout allait se jouer. Alors, chacun s’était mis à plaider sa cause, criant des ‘embrasse-la’ ou ‘laisse-le tomber’ selon ce en quoi il croyait.

Mais les deux agents ne les écoutaient plus. Ils étaient totalement absorbés par le regard de l’autre, par leurs visages si proches…

Alors, sans prêter attention au monde qui les entourait, ils fermèrent les yeux et se rapprochèrent encore un peu plus…

***

3 août 2007

Concept, fin

        Il se réveilla en sursaut. La sonnerie du réveil qui se faisait de plus en plus insistante l’avait tiré de son sommeil. D’un geste brusque, il éteignit l’appareil, l'envoyant par la même occasion s’écraser sur le sol. Il grogna et replongea la tête dans l’oreiller.

Il venait simplement de rêver… Toute cette histoire de fous n’avait jamais eu lieu. Son esprit fatigué avait tout inventé…

Pendant quelques secondes, il resta la tête dans l’oreiller, ne pensant à rien qu’à ses images stupides qui lui venaient à l’esprit. Mais où avait-il été chercher tout ça ?

Puis il se redressa, se tourna… La place à côté de lui était vide. Elle n’était plus là. Elle s’était une fois de plus réveillée avant lui. D’ailleurs, une délicieuse odeur de café chaud avait emplie l’appartement.

Il se leva avec difficulté, se gratta le crâne, se frotta les yeux. Cette nuit avait été tellement étrange…   

Debout, il marcha jusqu’au salon. Il s’arrêta avant d’y pénétrer et resta appuyé contre le battant, regardant en silence la jeune femme qui occupait son canapé.

Elle s’était assise en tailleur sur le fauteuil et regardait d’un œil distrait la télévision. Toute son attention était en fait portée sur un pot de glace qu’elle était en train de dévorer. Apparemment, elle en avait déjà mangé une bonne partie et tentait maintenant de récupérer la crème qui restait coincée au fond avec son index… Du reste, elle avait réussi à en mettre sur sa chemise. Une chemise à lui, seul vêtement qu’elle portait ce matin. Une magnifique chemise rose bonbon qu’elle avait dénichée on ne sait où…

Cela était étrange… La glace… La chemise rose…

Il fut interrompu dans ses rêveries par Scully qui venait de se rendre compte de sa présence.

‘Hé, bonjour ! dit-elle.

-Bonjour.

-J’ai entendu ton réveil mais, je n’ai pas osé te déranger… je sais que tu es plutôt grincheux le matin… Si tu veux, il y a du café dans la cuisine et j’ai aussi fait quelques pancakes.

-Merci. Tu es un amour.

-Un amour ? Je ne suis pas un amour. Un amour c’est un concept, et je ne suis pas un concept.’

Est-il besoin de décrire l’air étonné de Mulder quand il entendit cette phrase ? Est-ce que le cauchemar allait recommencer ?

‘Quoi, qu’est-ce que tu as à me regarder comme ça ? Si c’est pour la glace… Je suis désolée, c’était trop tentant… Mais ne t’inquiète pas, je t’en rachèterai une !

-Oh non, non, c’est pas ça…

-Alors quoi ?

-Rien rien, un rêve stupide… tu ne me croirais pas.

-Tu peux toujours essayé, ce ne serait pas la première fois…

-Non, laisse tomber, ce n’est rien.

-Bon, comme tu veux.’

Elle haussa les épaules et se replongea dans sa glace. Lui se retourna et alla chercher son petit déjeuner dans la cuisine. Il prit une tasse de café, attrapa quelques pancakes dans une assiette et retourna s’asseoir dans le salon aux côtés de Scully. Au passage, il croqua dans une des crêpes... Hum, elles étaient délicieuses! C’était vraiment une fille exceptionnelle, il devait vraiment en prendre soin…

Une fois retourné dans son canapé, il prit quelques instants pour regarder sa partenaire en souriant… Elle était belle. De plus en plus belle de jours en jours. En fait non, elle n’était pas belle, elle était magnifique. Il avait beaucoup de chance de l’avoir. Peut-être ce rêve n’avait-il était là que pour lui rappeler à quel point elle était importante pour lui, à quel point leur relation l’était. Tout ce qu’ils possédaient aujourd’hui aurait pu ne jamais arriver, et il pourrait tout autant leur échapper demain.

Il se souvint avec nostalgie de l’époque où ils s’étaient rencontrés ; il avait tout de suite su que cette jeune femme un peu étonnée qui avait débarquée un beau matin dans son bureau n’était pas comme les autres. Ils avaient traversé de dures épreuves ensemble, avaient appris à se connaître, à s’apprécier. Elle était devenue son amie. Et puis un jour, un beau matin, ils s’étaient regardés, et ils s’étaient rendus compte de ce qu’ils ne discernaient pas la veille. Une lumière s’était allumée. Eux, qui n’étaient que des amis, n’auraient tout à coup pas pu continuer à vivre l’un sans l’autre.

Pendant de longues semaines pourtant, aucun d’eux n’en avaient parlé. Aucun d’eux n’avait osé s’avouer à lui-même ce qui arrivait. Avaient-ils peur ? Craignaient-ils que leur affection, déjà très forte, ne fût  gâtée par cette nouvelle émotion ?  Ils avaient en tout cas continué à agir comme d’ordinaire, cachant au fond d’eux-mêmes ce qu’ils ressentaient, se refusant de penser à ce qu’ils voulaient plus que tout.

Et puis, un peu par accident, ils avaient fini par franchir le pas. Tout s’était fait si naturellement que leurs anciennes peurs leur avaient semblées totalement ridicules. Encore aujourd’hui il n’y avait que très peu de nuages dans le ciel de leur histoire, et ils envisageaient leur avenir de la manière la plus sereine possible.

Et elle, elle était toujours aussi belle. De plus en plus belle de jours en jours.

Elle ne prêtait pas la moindre attention à son regard tendre, toujours occupée à manger… Entre deux bouchées, elle sembla seulement se rappeler d’une information importante qu’elle lui communiqua au milieu de la crème glacée.

‘Oh, Skinner a appelé toute à l’heure.

-Qu’est-ce qu’il voulait ?

-Une enquête pour nous. Une histoire bizarre de t-shirts roses et de bananes… Je n’ai pas compris grand-chose… Tiens, si tu veux un peu de glace, il en reste encore un peu au fond.’

Encore un point commun avec son rêve… Cela commençait à faire beaucoup de coïncidences…

Il trempa son doigt dans la crème d’un air distrait… Dans ce qu’il restait de crème plutôt, c’est-à-dire pas grand-chose.

‘Dis, Scully, tu connais les shippers ?

-Les shippers ? Non pourquoi ?

-Pour rien…’

Elle fronça les sourcils… Il était vraiment bizarre ce matin. Mais bon, ils avaient du boulot, elle ne devait pas rester plantée là à s’interroger sur le pourquoi des humeurs de Mulder.

Elle se leva donc et partir vers la cuisine.

‘Scully, attends !’

Mulder s’était levé et l’avait rattrapée. Il la regarda avec tendresse, déplaça une mèche de ses cheveux roux. Puis, doucement, il la prit dans ses bras et déposa un baiser sur ses lèvres.

Elle posa la tête sur sa poitrine, profitant de ses bras, de sa chaleur quelques instants. Elle était si bien ainsi. Ils pourraient se trouver n’importe où dans le monde, dans n’importe quelle situation, elle savait que s'il était là, s’il la prenait ainsi dans ses bras, s’il la serrait contre lui, alors plus rien n’aurait d’importance. Tout allait toujours mieux quand il était là. Seulement, ce n’était pas dans son habitude de se montrer aussi affectueux sans raison apparente…

‘Mulder, pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Est-ce que ça va ?

-Non, pour rien, comme ça, lui répondit-il d’un air malicieux.

-C’est gentil, je suis touchée mais… c’est étrange. Tu es bizarre ce matin.

-Tu trouves ? Peut-être…

-Bon, ce n’est pas grave. Dépêche-toi, nous avons du boulot.’

Elle l’embrassa aussi du bout des lèvres et se dégagea doucement de lui pour se diriger vers la salle de bain.

Il resta encore quelques instants debout au milieu du salon, ne pensant à rien.

Il avait encore le goût sucré de ses lèvres sur les siennes…

 

THE END

12 juillet 2007

Soir d'été

Celui-là a été écrit totalement au fil de la plume, un soir dont j'ai voulu retenir l'ambiance... j'en suis pas trop trop contente mais je me sens incapable de le retoucher...

Juin 2006

Soir d'été sur la côte
Les mouettes crient
La mer chante
Un bébé pleure quelque part

Dans la rue des voitures passent
Rythment lentement la chaleur
Etouffante la soirée s'éveille
De milles riens

Des fourchettes claquent
Un bruit de voix
Des claquements de talon
La télé bruit de fond

Et puis c'est une note
Des accords qui s'enchaînent
Je reconnais ce soir
Je connais ce morceau

Il vient d'ailleurs, du soleil
Une île, une plage
Un éternel repos
Une sieste de toujours

Les notes montent, s'affolent
Crient, murmurent,
Derrière les bruits disparaissent
Et reviennent toujours

Un ukulélé qui danse
Et moi j'arrête
Tout et rien dans ces cordes
Juste des souvenirs

Un soir d'été pareil
Sur la côte
A ta fenêtre
Je t'ai aperçu

Un rire, un chant
La plage de tes yeux
Les îles de tes rêves
Le repos de ton bonheur

Et cet instrument qui nous scelle
De mes larmes
A cet instant
Me rappelle

Mais il se tait soudain
Comme tu as fermé ta porte
La vie continue dehors
Mais je ne souris plus.

Tc

12 juillet 2007

Aube

Un poème écrit il y a bien six mois et que je pensais avoir totalement perdu...

Décembre 2006

Le soleil rosé d'un matin comme les autres
L'aube pleine d'espoir de ton avenir
Se lève sur ton chemin
L'appréhension du premier pas.

Ne m'attends pas
Je te souris doucement comme à un enfant
Il n'y aura pas de larmer
Pas de larmes, c'est ton envol.

Et tu me lâches dans un éclat
Un froissement d'ailes comme une brise
Tes doigts glissent des miens
Quand tes ailes se sont déployées comme le soleil

Une colombe chante sur ton passage
Les marguerites s'ouvrent en berceau
Un duvet de plume remplit mon ciel noir
De flocons illuminent les étoiles

Tu danses, tournes et virevoltes
Je ris de si bon coeur
Que je ne peux m'empêcher de pleurer
Ne me cherches plus jamais

Pars, vole, cours mon Ange
Offre-toi au monde dans un sourire
Prends le bonheur en bouquet
Et ne te retournes pas.

Ne regrette jamais rien
Embrasse l'amour et laisse-le glisser
Dors sur la sérénité
Et n'alourdit jamais ton coeur.

Va, pour toujours
Tu naîs ce matin
Oublie-moi sans reproches
Ma tâche est finit

Ne t'arrêtes jamais
Rêve, danse, chante, aime
Sois heureux mon Ange
sans jamais regarder derrière toi

Tu es parti
Tout commence
J'écris ton nom sur les murs de la liberté
A jamais...


Tc

1 juillet 2007

Et puis après...

Après quelques temps d'absence, voilà que je vous reviens avec une petite fic... Je préviens tout de suite, attention, c'est pas très très joyeux, même plutôt triste. Elle est à replacer.... Bah vous vous en rendrez compte par vous-mêmes. Je ne suis pas sûre soit dit en passant qu'elle soit cohérente avec le reste de la série (étant donné que je n'ai plus que de vagues souvenirs de ces moments-là pour l'instant, mon revisionnage ne m'a pas encore portée jusque là), excusez-moi si elle est effectivement incroyable avec ce qui s'y passe.
Je me permets en passant de répéter comme cela se fait que bien entendu les perso ne m'appartiennent pas et que je n'écris ces fics simplement pour le plaisir (et non effectivement je ne touche pas un centime).

Je sais que j'ai l'habitude de dédicacer pratiquement tout le temps ce que j'écris à mes deux Anges... Sachez qu'aujourd'hui c'est une dédicace plus que spéciale pour elles, étant donné les circonstances dans lesquelles j'ai écris ces mots.

Ah, oui, je préviens, c'est peut-être assez long, j'ai 8 pages sur word.

Juin 2007 :

Et puis après…

            Depuis combien de temps attendait-elle ? Des heures peut-être. Elle se souvenait être arrivée en début d’après-midi -à présent le soleil commençait à décliner. En réalité elle ne sentait plus le temps s’écouler. Plus rien n’avait d’importance. Depuis des semaines déjà elle attendait. Elle ne savait même plus quoi. Tout s’était écroulé.

Et voilà qu’elle revenait aujourd’hui devant la bâtisse qu’elle connaissait tant. Combien de fois avait-elle franchi ce seuil ? Combien de fois avait-elle pris cet ascenseur ? Combien de fois avait-elle frappé à cette porte ? Combien de fois avait-elle était accueillie par son sourire ?

Aujourd’hui, elle savait qu’elle ne le retrouverait pas. Il n’y aurait personne pour lui ouvrir. Personne pour lui sourire. Elle tenait ses clés entre les mains. Ses clés. Elle pensait à toutes les fois où il avait dû les toucher, et elle aurait presque pu sentir sa peau douce et tiède à travers le métal froid. Elle aurait tellement aimé qu’il soit là encore une fois pour la prendre dans ses bras, la rassurer, la consoler. Une dernière fois.

Tout autour d’elle portait sa trace. Tout ce qu’elle voyait, tout ce qu’elle touchait, tout ce qu’elle sentait, il l’avait vu, touché, senti avant elle. Des millions de fois. Il avait laissé sa trace partout. Chaque chose était imprégnée de lui, criait son nom, et tout ici semblait l’attendre, d’une angoissante habitude -angoissante parce qu’il ne reviendrait plus jamais. Et puis peu à peu les choses l’oublieraient, l’effaceraient, mais elle savait qu’elle, elle ne l’oublierait jamais. Le temps passerait sur son existence comme il recouvre les inscriptions gravées sur la pierre, mais elle viendrait encore chaque jour souffler sur la poussière et redessiner chacun de ses traits pour l’offrir à la lumière. Elle savait qu’en elle, une partie de lui continuerait toujours de vivre et de rayonner comme au premier jour. Elle serait sa mémoire.

C’était la première fois qu’elle revenait depuis qu’on l’avait retrouvé. Pendant des mois elle avait cru encore à une heureuse conclusion de l’histoire, mais depuis que la nouvelle était tombée elle avait cessé de croire en toute chose. Toutes ces semaines d’incertitudes, elle s’était imaginée qu’elle le reverrait, qu’il franchirait de nouveau ces murs comme il l’avait fait depuis des années, et cela l’avait aidé à tenir. L’avenir était sa seule chance. Mais l’avenir, comme tous ses autres espoirs, étaient morts avec lui. Il emporterait dans son dernier voyage tous ses rêves, tous ses rires, toutes leurs promesses, une partie de sa propre vie…

Comment pouvait-elle alors supporter l’idée de revenir chez lui ? Elle avait tellement cru en ce lieu, elle y avait tellement espéré. C’était grâce à lui, grâce à la présence qui régnait entre  ces murs, qu’elle avait pu tenir. Rentrer chez lui, s’asseoir sur le canapé, c’était comme se blottir dans ses bras et se laisser faire. Savoir maintenant que c’était la dernière chose qu’il lui restait de lui…

Pourtant il fallait le faire. Il fallait qu’elle rentre. Et depuis des heures elle était ainsi partagée entre ses souvenirs, sa douleur, l’envie de retrouver sa présence une dernière fois et l’appréhension de n’y trouver que la réalité. Elle n’arrivait pas à se décider. Depuis quelques jours elle ne pouvait plus prendre aucune décision. Son esprit avait arrêté de réfléchir, de trancher. Elle recevait les informations les unes après les autres sans vraiment les comprendre, les mettait à la suite dans sa mémoire pour y former des chaînes dont elle ne comprenait pas le sens. La science, la logique, l’avaient abandonnée comme tout le reste. Seule cette idée revenait sans cesse résonner à ses oreilles, ronger sa chair, et rythmer chaque jour sa vie. Il était mort. Elle ne le reverrait plus. Tout ceci était donc réel ? Ne rêvait-elle pas ? Elle allait se réveiller, un matin, entre ses bras, et ils riraient de ce cauchemar.

Si seulement…

Enfin sans qu’elle sache pourquoi, elle ouvrit la porte de sa voiture et mit un pied à terre. Elle le regretta aussitôt. Elle voulait rentrer. Oublier. Trop tard, son corps était déjà en route, fermait la portière, traversait la route. Devant l’entrée elle prit la clé, sans même hésiter, et se retrouva quelques secondes après dans le hall.

Elle s’arrêta. Tout cela n’avait pris qu’une minute, mais lui avait coûté autant de forces qu’une marche interminable. Elle se trouvait à présent chez lui, dans son immeuble, dans le hall qu’il avait traversé des milliers de fois. Là encore les choses l’attendaient. Elles ne se doutaient de rien. Elle tendit l’oreille -on parlait, on riait- on vivait sans savoir. Un poids énorme lui tomba sur le cœur. Elle voulut crier. Leur dire d’arrêter. Leur dire que tout était fini. Est-ce qu’ils comprenaient cela ? Il était parti et ne reviendrait pas. Elle était seule. Pouvaient-ils au moins avoir un peu de respect pour ça ? Lui montrer qu’ils n’étaient pas indifférents à la mort d’un homme ? A la mort de l’homme qu’elle avait aimé plus que tout ?

Elle dut se retenir. Elle devait tenir. Conserver les apparences. Elle ne devait pas en vouloir au monde entier de continuer sa route. Cela ne changerait rien. Elle serait seule à porter le deuil. Ils n’y pouvaient rien.

Elle traversa la pièce vers les boîtes aux lettres. Il n’y avait rien d’important dans la sienne. Des prospectus. Comme si personne ne s’était jamais intéressé à lui.

Quand elle se retourna, après avoir fermé le boîtier, elle ne put retenir un sursaut de surprise. Une personne était là et la regardait. Elle ne l’avait même pas entendue rentrer. C’était la concierge, une bonne femme rougeaude au sourire sympathique. Aujourd’hui, elle ne souriait pas -elle regardait Scully avec un air de sincère compassion.

  ‘Bonjour, dit-elle

-Bonjour, répondit Scully d’une voix lasse. Les mots sortaient encore plus difficilement dans cet endroit.

-Vous étiez proches ? demanda-t-elle d’un petit mouvement de tête vers le nom sur la boîte aux lettres.

-Oui. Nous sommes… Nous étions amis. Nous travaillions ensemble depuis des années… elle bloqua les larmes qui lui venaient. Elle avait du mal à parler de lui au passé.

-C’est affreux ce qui est arrivé.’

Elle ne répondit pas. Elle fuit le regard de la femme, baissa la tête. Apparemment son interlocutrice n’attendait pas de réponse. Elle continua sans laisser le silence s’installer.

  ‘Si vous avez besoin d’aide, vous pouvez toujours m’appeler. Vous avez les clés du haut ?’

Elle lui répondit d’un signe de tête.

  ‘Si vous voulez passer chez moi en redescendant, parler un peu…’

-Merci’

Puis la concierge rentra silencieusement chez elle, laissant Scully seule et désemparée dans l’entrée 

            La cabine d’ascenseur lui parut comme immensément vide. Combien l’avait-elle parfois trouvée étroite ! Elle se souvenait de l’un de leur rare soir d’intimité… Ses murs seuls les rapprochaient, les enserraient, les protégeaient. Lui était là, tout contre elle. Elle pouvait sentir contre les parois la sensation de son corps brûlant. Elle frissonna. Elle avait frissonné aussi ce soir-là, sauf qu’aujourd’hui ce n’était pas la chaleur de sa présence qui en était la cause, mais le froid sans émotion de ces quatre murs.

Le temps lui sembla une éternité. C’était comme s’il l’avait oubliée. Il continuait d’avancer, inexorablement, filant à une vitesse irréelle dont elle avait à peine conscience, pendant qu’elle semblait s’être arrêtée. Elle n’était plus poussée vers l’avenir, mais chacun de ses gestes, lents, luttaient pour avancer encore, fatalement, parce qu’il le fallait. Elle, elle était retenue par ce passé qui l’attirait avec force. Toute son âme et tous ses membres ne souhaitaient qu’une chose, revenir en arrière, à cet instant où il lui avait échappé ; le rattraper, changer le temps. Tout recommencer. Elle était à jamais bloquée au moment où elle avait su. Elle revoyait ce jour, retardait tous ses mouvements, se souvenait de chaque détail. Elle tentait d’arrêter ses gestes de la journée, de changer ce qui devait arriver. A chaque fois pourtant la vérité arrivait, fatalement. Rien ne changerait plus.

Elle arriva finalement au quatrième étage. Elle passa devant la porte 41, chassa les souvenirs qu’elle avait accrochés à cet endroit. Et puis la voilà, la 42. Rien n’a changé. Elle était bien là, comme toujours. Pendant un instant elle se trouva ridicule et se moqua d’elle intérieurement. Croyait-elle que son appartement aurait disparu avec lui ? Ou qu’il aurait ressuscité entre ses murs ? Cela était totalement impossible et il était presque puéril, pathétique de sa part de penser une telle chose. Elle n’était vraiment plus elle-même… Elle prit une grande bouffée d’air et ouvrit la porte. Non, rien n’a bougé. Immédiatement elle se sentit rassurer par le désordre apparent qui régnait là -un fouillis presque ordonné pour elle à présent. Elle savait la place qui était réservée à chaque objet. Elle n’avait rien changé depuis qu’il était parti. Rapidement elle ferma la porte.

Elle resta un moment contre la porte, respirant à pleine bouffée l’odeur familière de l’appartement. Ici elle pouvait bouger, respirer à sa guise. Rien ne l’étouffait. Il n’y avait personne pour la regarder avec pitié, personne pour la questionner sur ce qu’elle ressentait, sur la façon dont elle allait. Elle n’y trouvait que des objets amicaux auprès desquels elle se sentait bien -auprès desquels elle se sentait mieux. Il suffisait qu’elle rentre dans l’appartement pour qu’elle ait l’impression qu’il fut là. Tout ici ne voulait que son bien, la rassurait, la soutenait.

Elle avait l’habitude maintenant de venir ici, dans le silence. Les premières fois, elle avait cru le trouver là, qui l’attendait, inconscient des efforts que l’on faisait pour le retrouver. Son cœur se serrait toujours quand la réalité des pièces vides la ramenait à la raison. Et puis, peu à peu, elle s’était habituée à cette sensation. Parfois elle sentait un souffle dans son dos, un reflet dans un miroir, un bruissement de tissu qui la faisaient sursauter, espérer encore… Maintenant ces sensations lui étaient familières, elle avait presque appris à les aimer. Elle lui rappelait sa présence. Aujourd’hui pourtant tout était différent. Il n’y avait pas un bruit, pas un souffle. Ils l’auraient de toute façon fait souffrir encore plus. Ils n’auraient fait que lui rappeler sa douleur, peut-être plus fort que l’inhabituel silence. Ici, toutes les choses savaient et portaient le même deuil. Elles se taisaient. Elles mouraient avec lui.

Elle avança sans savoir par où commencer. Elle ne savait pas trop en réalité elle-même ce qu’elle cherchait exactement. Voudrait-elle emporter quelque chose de lui ? Que choisir ? Elle aurait voulu garder l’appartement en entier, tel quel, ne toucher à rien. Pouvoir  s’y recueillir parfois. Garder un objet, un vêtement, une photo, ne lui suffirait pas. En réalité, elle se dit que même l’endroit n’aurait pu suffire. Elle ne pourrait pas choisir, parce que tout cela lui semblait ridicule. Rien ne pourrait le remplacer. Rien ne pourrait combler le vide qu’il laissait derrière lui. C’était lui qu’elle voulait. Qu’il revienne.

Elle pénétra dans la chambre, ouvrit les armoires. Elle effleura ses vêtements d’une main -ce n’était pas le tissu qu’elle sentait sous ses doigts mais la peau de l’être qu’elle avait tant aimé, en si peu de temps. La vie leur avait pris le bonheur au moment même où ils commençaient à le deviner. Elle prit l’une des chemises et la serra contre elle. Elle sentait encore son parfum si familier… Son parfum… Un doute l’envahit soudain. Combien de temps se souviendrait-elle de son odeur après que la nature l’ait dissout ? Combien de temps se rappellerait-elle du son de sa voix ? Combien de temps se rappellerait-elle de son rire, de ses milles petites manies qui la faisait sourire ? Déjà parfois il lui semblait avoir oublié un détail, un rien sûrement sans importance apparente, mais ces oublis l’angoissaient. Tout était important depuis qu’il était parti. Un souffle. Une intention dans la voix. Un air malicieux. Un froncement de sourcils. Une indiscernable caresse…

Elle écarta une larme de la main. Elle ne devait pas pleurer. Pas maintenant. Pas encore.

Elle se détourna de l’armoire, la chemise toujours blottie contre elle. Elle se dirigea lentement vers le lit, s’assit. D’une main, elle caressa la table de chevet, les quelques objets qui s’y trouvaient. Elle hésita plusieurs secondes, immobile, au niveau du tiroir. Elle ne l’avait jamais encore ouvert depuis qu’il avait disparu. Encore aujourd’hui elle hésitait. Elle aimait à se promener entre les meubles, à ouvrir les armoires, découvrir comment il vivait, les choses qui l’avaient entouré pendant des années. En même temps, c’était toucher à son intimité, à son jardin secret, à tout ce qu’il cachait au fond de lui de mystérieux et qui le rendait si attirant. Accepter de dévoiler ses mystères, c’était accepter la réalité de sa perte. Ouvrir ses dernières portes, l’effeuiller, le dénuder entièrement sans qu’il ne puisse protester, c’était comme continuer les tortures qu’il avait dû subir, finir de détruire sa vie.

Elle savait pourtant qu’elle ne supporterait pas que quelqu’un d’autre s’en charge. Que ses rares amis l’aident un jour à trier toutes ses affaires ne la choquerait pas, parce qu’elle savait qu’ils avaient la même douleur, qu’il ressentait le même respect pour l’homme disparu. Mais penser que des gens qui ne l’avaient jamais vu, toucheraient peut-être de leurs mains sales ce qui lui appartenait, ouvriraient les tiroirs sans prendre la moindre précaution, à la recherche de ce qui pourrait combler leur intérêt personnel… Jamais elle ne le voudrait, ne le supporterait. Elle porterait seule sa croix.

Son esprit scientifique l’avait réellement abandonné. Tout ce qu’elle pensait, ce qu’elle voulait, n’était plus que guidé par ses sens, ses émotions. C’était un souvenir. Une impression. Une sensation. Elle avait peur, elle avait froid. Elle était seule, elle était perdue. Elle ne s’accrochait plus qu’à l’irrationnel de ses sentiments. Après les avoir rejetés pendant tant d’années, ils semblaient être les seuls à signifier encore quelque chose aujourd’hui. C’était uniquement par eux qu’elle le retrouvait encore. Ils lui apprenaient à vivre comme lui.

Répondant alors à son seul instinct, elle ouvrit le tiroir. Elle fut un peu surprise en découvrant son contenu. A vrai dire, elle ne savait pas si elle devait rire ou pleurer. Il l’épaterait toujours. Pouvait-elle croire que cela aurait été possible ? A la place du désordre auquel elle se serait attendu, elle découvrit le tiroir absolument vide. Seules quelques écorces de pistaches traînaient dans les coins et… qu’était-ce donc ? Tout au fond, il semblait y avoir une feuille pliée. Elle la retira.

C’était bien cela. Elle tenait entre les mains une mince feuille de papier. Elle se demanda ce qu’il pouvait bien avoir laissé traîner au fond d’un tiroir vide. Etait-ce un manuscrit de valeur, un souvenir, ou bien une feuille sans importance qu’il avait jetée là par hasard et oubliée ?

Elle la déplia avec précaution. Sur le papier courraient des lignes manuscrites qu’il avait lui-même tracées en rangs serrés. Une série de mots écrit au stylo d’encre noire. Son propre ouvrage. Une lettre apparemment. Elle était étonnée Elle ne se souvenait pas l’avoir jamais vu écrire une quelconque missive. Elle fut d’autant plus surprise en se rendant compte que ces mots lui étaient adressés, à elle. Voir son nom en en-tête lui produit une étrange sensation qui la força pendant quelques temps à s’arrêter sur son propre patronyme. C’était étrange de voir son nom écrit par lui. C’était tout aussi irréel que la situation dans laquelle elle se trouvait. Une foule de question se posait à son esprit. Que disait-il ? Pourquoi écrire ? Pourquoi ne pas le lui avoir donnée ? C’était comme s’il avait voulu lui laisser une ultime trace, lui dire au revoir, lui signifier une dernière fois qu’il serait toujours là, penserait à elle, veillerait sur elle. Un cadeau. Un espoir. Un adieu.

Ses mains se mirent à trembler alors qu’elle commençait sa lecture.

“ Scully,

Je te sens, là, à quelques mètres, partie dans un profond sommeil. Ton doux parfum flotte dans l’appartement. Il sent la fleur. La rose peut-être ? Peu importe. Il sent bon. Il sent toi.

Il est tard mais je ne peux dormir. Tout cela est tellement étrange. Toi. Moi Il me semble que quelque chose flotte au-dessus de nous et nous menace. J’ai peur de ne pas avoir le temps de te dire tout ce que je ressens.

Je sens que quelque chose d’irréparable se prépare. Je ne sais pas ce que c’est, je ne sais pas quand cela arrivera. Et on ne pourra rien faire pour l’arrêter. Il nous prendra par surprise.

J’essaie alors de profiter du temps qu’il nous reste pour te parler. Je n’y arrive même pas. Cette lettre, est au moins la centième que je t’écris. Je ne trouve pas les mots, je ne trouve pas la force. Tout ce que j’écris ne sont que des phrases sans profondeur, insensées, vides.

Tu ne liras certainement même pas cette lettre. Je finirai par la jeter comme toutes les autres. Jusqu’à ce qu’un malheur nous sépare. Et tu ne sauras jamais.

Que dirais-tu si tu savais, si tu me voyais ? Tu saurais me mettre en confiance. Je saurais me livrer. Mais il suffirait que tu bouges là-bas pour que je range cette feuille et l’oublie. Déjà chaque mot que j’écris est bercé par le rythme de ta respiration.

J’ai peur de faire ou de dire des choses qui pourraient te blesser. Il y en a pourtant tellement que tu devrais savoir.

Tu as bouleversé ma vie. Je ne pensais pas qu’un jour on pourrait autant me faire changer. Tu m’es arrivée comme une goutte de rosée qui rallume la flamme au petit matin. Jamais je ne te remercierai assez pour tout ce que tu m’as apporté.

Tu as su me faire confiance. Tu as su me rendre la mienne. Tu as su me rallumer la flamme quand elle s’éteignait, me l’éloigner quand elle me brûlait. Tu as trouvé les mots, les gestes qu’il fallait.

Je sais que je serais sûrement mort si tu n’étais pas là. Je sais que je mourrais si tu n’étais plus là. Merci pour tout ce que tu as fait pour moi.

N’est-ce pas dérisoire ? Un simple ‘merci’ quand il y aurait mille fois plus à dire pour ce que tu as fait.

Je t’en prie, pardonne-moi. J’aimerai tant que tu oublies à quel point j’ai pu te faire souffrir. S’il était en mon pouvoir de revenir en arrière et de t’offrir une vie meilleure, je le ferai.

Pardonne-moi un jour de ne pas avoir été capable de te rendre heureuse, de t’offrir ce que tu mérites.

Pardonne-moi de ne même pas avoir été capable de te dire à quel point je t’aime… ”

La lettre s’arrêtait là. Il était impossible de savoir s’il avait été interrompu ou s’il avait volontairement arrêté d’écrire. Elle ressentait un profond sentiment d’inachevé. C’était comme si quelqu’un lui avait pris le stylo des mains et l’avait empêché de tracer ses derniers mots, tout comme on l’avait empêché de tracer les dernières lignes de sa vie. On lui avait toujours tout volé, jusqu’aux mots qu’il aurait voulu lui dire, à elle, avant de la quitter.

C’était de la haine et du dégoût qui l’envahissaient soudain. Elle avait l’impression qu’ils n’avaient jamais rien contrôlé de tout ce qu’ils avaient fait pendant toutes ces années, que quelqu’un avait toujours décidé à leur place de ce qui leur arriverait. Si elle en avait eu la force, elle aurait couru auprès de ceux qu’elle tenait pour responsables de ce qui arrivait aujourd’hui et leur aurait montré leur œuvre, leur aurait fait subir toutes les souffrances qu’ils leur avaient infligée. Mais elle ne le pouvait. Non seulement cela ne changerait rien, ils ne le feraient pas revenir, mais surtout elle n’en avait plus le courage. Pour le moment tout au moins.

Elle se donnerait un temps pour laisser crier sa peine, le pleurer de toutes ses forces, le pleurer de toutes les larmes de son corps, maudire le monde entier et haïr ce qu’elle faisait. Elle savait pourtant que cette période ne durerait pas. Elle entretenait au fond d’elle-même une partie de lui, une voix qui lui disait de se redresser et de reprendre le chemin qu’il avait parcouru. Elle devait s’occuper de son combat, rallumer le flambeau, lutter à sa place. Elle prouverait tout ce qu’elle avait toujours refusé de voir, renierait tout ce qu’elle avait toujours cru. Si elle ne le faisait pas, personne ne se soucierait plus de ce pour quoi il avait donné sa vie, et il mourrait une seconde fois.

Elle reposa la lettre sur la table et s’allongea sur le lit, les jambes et les bras repliés contre elle. Pendant de longues secondes elle ne bougea plus, les yeux fixés droit devant elle, ne voyant rien. Puis elle sentit ses membres trembler, au départ presque imperceptiblement, puis de plus en plus distinctement, alors que ses yeux se remplissaient de larmes. Bientôt se furent des milliers de tremblements qui secouèrent son corps, et des milliers de larmes qui dévalèrent ses joues. Dans les premiers temps elle tenta de repousser ses pleurs, mais elle ne pouvait plus lutter contre la douleur. Alors elle abandonna la lutte contre elle-même et se laissa pleurer comme elle ne l’avait jamais fait. Peu lui importait aujourd’hui de garder les apparences et d’être forte. Elle avait tout perdu…

Elle laissa les larmes couler pendant des heures peut-être, ne pensant plus à rien qu’à exprimer sa souffrance. Elle pleura, encore et encore, elle pleura jusqu’à être sur le point de s’étouffer, à en oublier où elle était et ce qu’elle faisait. Elle pleura pour ne pas hurler, pour ne pas s’abandonner totalement, pour ne pas devenir folle. Elle pleura jusqu’à avoir mal partout, jusqu’à s’épuiser en espérant que la douleur physique la soulagerait du vide immense qui l’envahissait. Comment pourrait-elle exprimer autrement ce qu’elle éprouvait ? Comment faire, comment supporter quand on vous arrache aussi violemment un être cher ? Tout en elle tremblait d’impuissance. Elle aurait voulu revenir en arrière, tout changer. Elle luttait contre la réalité mais cela l’épuisait. Elle affrontait des forces qui la terrassaient sans pitié. Elle n’en pouvait plus. Tout ce qu’elle voulait, c’était que le monde l’oublie. Se retirer et le pleurer pour le reste de sa vie. C’était exactement ça. Maintenant que les larmes avaient commencé à couler, elles ne s’arrêteraient plus jamais. Elle pleurerait pour l’éternité.

Elle pleura effectivement un temps très long dans cette chambre, dans ce lit, sans même changer de position. Le soleil s’était éteint depuis longtemps, la lune brillait faiblement à travers les fenêtres quand elle s’immobilisa enfin, à bout de force. Un autre désespoir l’envahit, celui de sa propre faiblesse. Son propre corps l’abandonnait. Elle ne pouvait même plus pleurer, ses membres le lui refusaient. Alors elle s’immobilisa totalement, les yeux grands ouverts, et elle attendit. Elle ne se souvint plus de ce qui se passa après.

            Un soleil froid l’accueillit à son réveil. Pendant quelques secondes elle se demanda où elle était, ce qui était arrivé. Peu à peu les souvenirs confus et douloureux de la veille lui revinrent en mémoire.

Elle s’étira sur le lit et se frotta les yeux. Elle se sentait faible et honteuse. Elle avait froid. Elle avait même aussi un peu faim.

Elle avait dormi d’un sommeil lourd et sans rêves. Sans cauchemars non plus. La fatigue avait fini par avoir raison d’elle. Et l’avait raisonnée aussi. Elle se sentait étrangement calme après le désespoir de la veille. La douleur était toujours là mais moins forte, la colère ne l’avait pas quittée mais elle s’était affaiblie. Il n’était jamais bon de tout garder au fond de soi, et s’abandonner un moment à la douleur l’avait finalement en partie soulagée.

Maintenant que cela était fait, elle pouvait se relever et repartir. Ses idées étaient plus claires, ses intentions mieux définies. Elle saurait à présent trouver la voie à suivre et s’y tenir avec toute la rigueur dont elle avait toujours fait preuve.

Elle se redressa, passa une main dans ses cheveux en soupirant. Elle s’arrêta quelques minutes, le temps de remettre ses idées en place et de réfléchir calmement à ce qu’elle allait faire. Il lui sembla qu’elle envisageait pour la première fois depuis la douloureuse nouvelle une action raisonnée et raisonnable. Si elle ne trouva pas sur le moment de ligne générale à adopter, le simple fait de penser, de se représenter des idées claires, la rassura. Elle ne se laisserait plus abattre.

Elle songea à ce qu’elle devait faire. A tout ce qui l’attendait. L’enquête, les autres qui suivraient ; son nouveau rôle, la place qu’il lui avait laissée en partant ; les questions, les rares réponses…

Et puis, dans quelques jours on l’enterrerait. Alors tout ce qu’elle avait vécu depuis sa disparition et qui ne devait être que temporaire deviendrait définitif. Il fallait qu’elle s’y prépare.

Elle se leva du lit et quitta la pièce. Dans le salon, elle nourrit les poissons et alla trouver elle-même de quoi manger. Elle  resta assise pendant de longues minutes sur le canapé à prendre son petit déjeuner, à respirer le calme de la journée, à ne se concentrer sur rien, à oublier une partie de sa douleur.

Le temps l’avait de nouveau prise dans ses bras. Il l’avait détachée de ses tristes instants, délivrée des sensations oppressantes et douloureuses de la veille. Elle pouvait avancer, reprendre sa vie, respirer, se laisser pousser par les secondes qui passaient. Elle était revenue parmi le monde qui battait autour d’elle au rythme de son cœur. Elle était toujours en vie. Elle continuait de vivre. Elle survivait.

Elle passa dans la salle de bain. L’eau coulait sur elle, caressait son corps et la dessinait, la rendait bien vivante, consistante, tout comme la brise du temps qui la traversait de nouveau. Elle n’avait plus peur.

Elle sortit de la douche, s’habilla. Elle surprit alors son reflet dans le miroir… Elle s’arrêta quelques instants.

Dans la glace, son ventre commençait à s’arrondir.

Elle portait une partie de lui en elle, un être qui n’en était pas encore totalement un, un être qui lui rappellerait toujours, un être qui l’attacherait à jamais à son passé, à ce qu’ils avaient vécu, à ce qu’il lui avait donné. Pourtant cet être la mènerait vers l’avenir, la pousserait en avant. C’était un morceau du passé, et cependant c’était tout son avenir qui était là, qu’elle contemplait à travers le miroir.

Bien sûr que non elle ne pourrait jamais guérir totalement. Bien sûr qu’elle n’oublierait pas. Elle aurait toujours en elle, près d’elle, quelque chose qui lui rappellerait…

C’est pour ça qu’elle ne pouvait pas se laisser aller. Il fallait qu’elle se batte. Depuis des années, elle ne faisait plus ce métier que parce qu’il était là, parce qu’il lui disait, parce qu’elle lui faisait confiance... Elle le suivait par instinct. Elle n’avait jamais vraiment compris…

Maintenant elle savait. Elle savait ce qu’il avait ressenti quand l’être le plus cher au monde lui avait été enlevé. Il avait perdu sa sœur. Elle l’avait perdu, lui. Elle était liée à ce métier, à cette mission. Ce n’était plus une question de devoir ou d’amitié. C’était dans son sang, dans son cœur, dans son être tout entier. Chaque seconde qui la ranimait, chaque souffle qu’elle respirait, chaque parcelle de vie portait cette sensation au plus profond d’elle.

Sa carrière, sa vie, n’avait plus d’importance. Elle se battrait pour que personne ne souffre plus comme elle ou lui avait pu souffrir. Elle se battrait pour arrêter tout cela. Elle se battrait pour la vérité. Et quand elle l’aurait trouvée, quand elle aurait accompli cela, alors elle pourrait enfin s’arrêter, se poser. Elle pourrait être fière d’elle. Elle pourrait penser à lui. Elle pourrait lui dire qu’ils avaient réussi. Elle pourrait s’arrêter et le rejoindre.

Mais elle ne le pourrait que quand elle aurait achevé. En attendant, elle avait beaucoup de choses à faire.

Elle sortit de la salle de bain, rassembla ses affaires. On l’attendait.

Elle jeta un dernier coup d’œil dans l’appartement.

Elle ferma la porte, tourna la clé dans la serrure.

Elle pouvait commencer.

Jamais elle ne renoncerait.

Jamais.

Il serait toujours là.

Toujours.

THE END

TC

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