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~Des mots au fil de la plume~
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3 août 2007

Concept, partie 3

             Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent devant la boutique indiquée par le caissier. L’endroit lui-même leur parut tout de suite suspect. La devanture était entièrement rose, remplie de gros cœurs rouges et de t-shirts similaires à ceux disséminés dans la ville. Tout en haut, une pancarte indiquait que tous les objets vendus étaient ‘100% shipper’. Un sigle étrange, un triangle enfermé dans un cercle, servait à authentifier les objets.

‘Shipper ? Qu’est-ce que c’est à ton avis demanda Scully.

-Je parie pour une race d’extra-terrestre. Le garçon m’a dit effectivement que les propriétaires de la boutique étaient des shippers, mais je n’ai pas pu lui soutirer de détails précis à leur sujet. Ils ont dû faire un lavage de cerveau aux gens de la région pour se faire accepter parmi eux et en faire leurs esclaves.

-Et ben, je n’aimerais pas finir ma vie comme ces gens, totalement irresponsable de mes actes. Mulder, promets-moi que si un jour j’agis comme eux, tu me tueras plutôt que de me laisser faire…

-Heureusement que je ne t'ai jamais demandé une chose pareille, je serais déjà mort depuis longtemps... Allez, entrons.'

Il pénétra le premier dans la boutique, faisant tinter la clochette d'entrée. Il ne semblait y avoir personne. A sa suite, Scully put découvrir un intérieur exactement identique à la devanture. Cela devenait vraiment malsain de se voir partout dans cette ville… sur un fond un rose en plus.

'Il y a quelqu'un ? FBI, nous voudrions vous parler.

-Oui oui, attendez.' répondit une voix féminine.

A peine deux secondes plus tard, une tête brune surgit de derrière une masse de tissus d’un rose… rosâtre, souriante.

'Que puis-je...'

Elle ne finit pas sa phrase. A peine eut-elle vu nos deux agents qu'elle s'immobilisa, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés.

'On dirait qu'elle vient de voir un fantôme, murmura Scully. Tu devrais peut-être enlever ce t-shirt, tu lui fais peur...

-Mademoiselle, je suis l'Agent Spécial Mulder, et voici l'Agent Spécial Scully, du FBI. Nous aurions aimé vous poser quelques questions.

-Oh mon Dieu ! Ce n'est pas vrai, je rêve ! articula-t-elle d'une petite voix.

-S'il vous plaît, mademoiselle...'

La jeune femme s'était mise à trembler. Elle retira ses lunettes et les essuya trois fois de suite, sans cesser de fixer les deux agents, répétant encore et toujours des 'Mon Dieu', 'c'est pas vrai' et autres expressions d'incrédulité. Puis, soudain, elle se mit à crier.

'Les filles, venez ! Vite, vite, venez ! Vous n'allez pas en croire vos yeux !

-Qu'est-ce qu'il y a ? répondit-on quelque part.

-Venez, vite, ne posez pas de questions, venez voir !

-Euh, dîtes, est-ce que...' tenta Mulder.

Avant la fin de sa phrase, il fut interrompu par plusieurs personnes qui pénétrèrent dans la place. Et ce furent les mêmes actions, la même hébétude, les mêmes frottements d'yeux, pincements de joues et autres exclamations ahuries et incontrôlées qui frappèrent les nouvelles venues sitôt qu'elles firent un pas dans la pièce et croisèrent les regards atterrés de Mulder et Scully. Enfin, l’une d’elle sembla revenir de sa surprise.

'Mulder, Scully, c'est bien vous ?

-Oui, oui, nous venons de le dire à votre amie et...'

Un cri aigu l'interrompit de nouveau.

'Yahoooo ! Nous avons réussi ! Wouah !!!' et autres cris de joie se mêlèrent tout à coup en un affreux vacarme, tandis que les jeunes filles remises de leur stupeur se mettaient à sauter, à se prendre dans les bras, à frapper dans leurs mains. Il serait impossible de décrire ici toutes les attitudes étranges dont leur joie semblait la cause.

'Je te l'avais dit Scully, les extra-terrestres. Ces filles ont été droguées, cela se voit tout de suite.'

Elle finirent par prendre un semblant d'organisation, formant alors un cercle, et criant toutes ensemble un 'shipper powaaa!' qui acheva les tympans de nos amis, qui commençaient un peu à se sentir de trop dans cette cérémonie.

'J'y crois pas, ça a marché, disaient les jeunes files.

-Nous allons enfin pouvoir...

-Des années que l'on attendait ça !

-J'y crois pas, c'est le plus beau jour de ma vie.’

Nos deux agents, eux, commençaient réellement à perdre patience et à en avoir marre de supporter les cris hystériques de ces jeunes demoiselles qui, qui plus est, les ignoraient totalement, tant elles étaient prises dans leurs emportements… Mulder, par ailleurs, en était désormais plus que persuadé, tout ceci devait nécessairement faire parti d'un rituel extraterrestre énigmatique sorte de danse de la victoire version petits hommes verts, et les cris qu'elles poussaient devaient relever d'un langage inconnu jusqu'ici. Scully, elle, n'y comprenait plus rien et se contentait de regarder la scène avec étonnement. L'atmosphère devenait étouffante. N’y tenant plus, Mulder se mit à crier dans la pièce, couvrant de sa voix tous ces bruits de groupies hystériques.

'Hé, oh, dîtes, on se calme là ! Y'en a qui essaient de travailler ici ! Stop ! Stop ! C'est fini, on arrête tout ! Et la première que j’attrape en train de chuchoter papoter bavarder, ou quoi que ce soit, je la fous en prison avec un rapport de l’agent Mulder avant même qu’elle ne comprenne ce qui lui arrive!'

Il n'en fallut pas plus. Le ton impétueux de Mulder et la menace inquiétante qu'il venait de proférer le plus sérieusement possible calmèrent instantanément le groupe de filles. En une seconde, elle avaient arrêté tout bruit et s'étaient alignées au garde à vous face aux agents du FBI. Peu préparées à une telle réaction, ayant presque oublié la présence de ceux qui avaient déclenché une telle hystérie de leur part, elles furent comme tétanisées par ces nouveaux cris. Soulagés par le soudain silence qui s'installa, nos deux héros se regardèrent avec contentement.

'Et bien, murmura Scully, bravo ! Tu devrais venir crier un bon coup dans mon immeuble quand les enfants de ma voisine s'y mettent.

-Non, merci, c'est bon. Je crois que si j'entends encore quelqu'un crier je ne vais plus pouvoir me maîtriser.'  Puis aux filles : 'Bon, alors, est-ce que quelqu'un pourrait enfin me dire ce qui se passe ici ? Et je ne veux qu'une seule réponse à la fois.

-Oui, oui, excusez-nous. Nous allons tout vous expliquer.

-Ouf, enfin une parole sensée dans cette ville de dingues ! Je vous écoute. Mais tout d'abord, qui êtes-vous ?

-Des shippers.

-Non non, ce n'est pas une réponse ! Qu'est-ce que c'est que ça, un 'shipper' ?

-C'est...

-C'est une personne.

-C'est un fan.

-Non, pas un fan : un passionné. Fan, ça fait timbré.

-Mais nous sommes timbrés !

-Ah, oui, c'est vrai. Donc, c'est un fan.

-Fan de deux personnes.

-Deux personnes susceptibles de...

-Vous voyez quoi !

-Du genre... A aime B, B aime A...

-... mais les seuls à ne pas s'en rendre compte sont B et A.

-Ce qui est très fâcheux pour un shipper. Parce qu'un shipper, tout ce qu'il veut, c'est ouvrir les yeux à A et B.

-Malheureusement, ça ne marche pas à tous les coups. Alors le shipper parfois...

-Le shipper a des crises. Quand A et B sont trop têtus.

-Ca peut rendre le shipper dingue ! Il rentre alors en crise de 'shipperite aïgue'. Il pleure, il crie...

-Il saute de joie à chaque petit signe de guérison de A et B.

-Il voit et revoit encore et encore tous leurs moments d'affection.

-En imagine de nouveau.

-Et, comme c'est le cas ici, lance de vastes opérations destinées à combler le vide immense d'amour qu'il a en lui.

-Il lui faut répandre l'espoir d'un monde meilleur où tous les gens qui s'aiment se l'avouent et vivent leur passion au grand jour.

-Bon, c'est vrai, nous avons peut-être poussé le bouchon un peu trop loin.

-Mais c'était pour la bonne cause.

-C'était le seul moyen.

-Vous ne seriez jamais venus.

-Oh, cela n'a pas été facile de trouver tout ça.

-Vous n'imaginez pas le temps que cela nous a pris, les efforts que nous avons fait pour mettre tout cela en scène.

-Mais le résultat en vaut la chandelle.

-Oh, ça c'est sûr !

-D'ailleurs, même vous avez été conquis par notre t-shirt !

-Il n'est pas magnifique ?!'

Un peu désemparé par toutes les informations incompréhensibles qu'il venait de recevoir, Mulder regarda son t-shirt rose d'un oeil nouveau, plutôt embarrassé il faut le dire. Scully elle, leva les yeux au ciel, totalement découragée. Ce qu'elle avait entendu lui suffisait. Ces gens étaient simplement dingues. Ils appelleraient l'asile le plus proche et leur devoir serait fini ici. Elle ne voulait plus jamais remettre  les pieds dans cette ville !

'Mulder, tout cela est ridicule. Elles sont folles ! C'est tout, il n'y a rien de mystérieux dans cette histoire. Allez, viens, on s'en va, on n'a rien à faire là.'

Elle le prit par la manche et le tira vers la sortie. Cependant, leur route fut barrée avant même qu'elle ait pu atteindre la porte.

'Ah, non, vous ne passerez pas ! Pas tout de suite. Votre boulot ici n'est pas fini. On vous a appelé pour régler de graves problèmes, et nous ne vous laisserons pas partir avant d'avoir eu entière satisfaction !' 

***

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